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Concertations au sein de la Société psychanalytique de Paris


Rédigé le Mardi 6 Janvier 2004 à 00:00 | Lu 829 commentaire(s)



Déclaration et commentaires du Président de la SPP

Ce texte fait suite à une série de concertations entre Marilia Aisenstein, Bernard Brusset, Gilbert Diatkine et Paul Israël, responsables de la Société Psychanalytique de Paris désignés par Alain Fine.

Le groupe désigné ci-dessus s’est réuni chez Marilia Aisenstein le dimanche 16 novembre 2003 pour discuter puis est allé rejoindre (sans Bernard Brusset) le Groupe « Contact » qui réunit différents responsables d’associations psychanalytiques notamment lacaniennes pour discuter du problème de cet amendement.

La plupart des responsables sont tombés d’accord pour signifier qu’il fallait absolument protéger la notion de psychothérapie psychanalytique même si la psychanalyse n’est pas évoquée dans l’amendement Accoyer.

La question de cet amendement a fait également l’objet de l’ordre du jour de la réunion « interbureau » du 19 novembre 2003 ainsi que du Conseil d’administration de la SPP du 2 décembre 2003.

Nous vous signalons que nous avons pu aussi, grâce à l’intervention de notre collègue Christian Vasseur, obtenir un premier rendez-vous téléphonique avec Bernard Accoyer puis que nous avons pu le rencontrer à l’Assemblée nationale le 26 novembre 2003. Etaient présents à ce rendez-vous : Marilia Aisenstein, Bernard Brusset et Paul Israël. Il y avait également la présence des responsables du Ministère de la Santé. Ces entretiens se sont bien déroulés. Il semble que nous pourrons améliorer cet amendement selon la proposition d’ajout de la Société Psychanalytique de Paris figurant ci-dessus.

Nous vous signalons que plutôt qu’un lobbying politique envers les sénateurs (à la manière de Jacques-Alain Miller), nous adressons ce texte à Monsieur Nicolas About et Monsieur Francis Giraud, respectivement Président et Rapporteur de la Commission des Affaires Sociales du Sénat. Nous n’avons donc pas participé à l’orage médiatique déclenché par certains collègues.


B. Brusset : Réflexions à propos de l’amendement Accoyer


Pr. B.Brusset , psychiatre et psychanalyste, professeur émérite de psychopathologie de l'Université Paris V-René Descartes, membre titulaire de la Société Psychanalytique de Paris.


L'amendement dit Accoyer, en dépit d'une certaine ambiguïté dans la formulation, définit comme pré-requis à la formation en psychothérapie spécifique le diplôme de médecin avec ou sans qualification en psychiatrie et le diplôme de psychologue. Il s'agit d'une condition nécessaire mais non suffisante. L'habilitation dépendrait de leur formation spécifique à la fois à l'Université et dans les instituts privés, ceux des associations reconnues. Les méthodes et les associations seraient habilitées sur avis de la Commission d'accréditation (ANAES) composée de spécialistes de la Santé publique qui sollicitent l'avis d'experts et mettent méthodiquement en forme leurs avis. La composition des jurys pour l'évaluation des qualifications professionnelles des psychothérapeutes ni médecin, ni psychologue reste indéterminée en attendant d'éventuels décrets d'application. Il est évident que ne pourrait pas suffire la désignation de professeurs de psychiatrie et de Psychologie clinique. Ils ne sauraient avoir la compétence requise dans les différentes formes de psychothérapie, ni même y être préparés du fait de leurs modes de sélection par des recherches scientifiques hautement spécialisées (et de plus en plus une thèse de sciences pour les professeurs de psychiatrie). La nécessité pour les psychiatres chefs de service de suivre le développement des recherches sur les psychotropes et en neurosciences, de planifier les évaluations, d'organiser la recherche et les réseaux de soins dans les institutions du Secteur, ainsi que leurs lourdes charges administratives, les éloignent de la pratique des soins et bien davantage de celle de la psychothérapie que des chimiothérapies. De plus, il faut préciser qu'ils étaient, en 2002, au nombre de 89 en France (57 en psychiatrie de l'adulte et 32 en pédopsychiatrie). On estime qu'il y a en France, un peu plus de 13.000 psychiatres, 176 postes d'internes en psychiatrie par an, un peu moins que 40.000 psychologues, plusieurs milliers de psychanalystes et au moins 20.000 psychothérapeutes dont la grande majorité sans affiliation institutionnelle.

Quelles sont les justifications ?

La lutte contre les sectes et contre les charlatans, mais surtout contre le développement anarchique actuel de méthodes commercialement présentées comme nouvelles et supérieures à tout autres. Il est évident que ce ne sont pas les gens bien informés qui s'y laissent prendre, mais le grand nombre de ceux qui n'ont aucun repère pour distinguer le vrai du faux. Le fait que n'importe qui puisse se dire psychothérapeute ou psychanalyste est une liberté qui n'est pas sans revers fâcheux voire dramatiques dans l'inégalité actuelle de l'accès à l'information, selon les relations, selon les milieux, selon les régions.

Le contexte c'est aussi la pénurie de psychiatres, la saturation des moyens du secteur de la psychiatrie publique alors que la demande d'aide psychologique s'accroît et de diversifie, la consommation exagérée de psychotropes, les déficits de l'assurance maladie et les projets de planification technocratique de la santé publique. A l'arrière-plan il y a le problème d'insistance croissante de l'harmonisation des diplômes européens.

Mais quel est l'état de fait ?

* l'existence des multiples formes de psychothérapie et d'écoles de formation d'une grande hétérogénéité allant du traitement des troubles mentaux à la "thérapie des bien-portants" pour un mieux-être, un développement personnel, une hygiène de vie.

* la diversité des niveaux de formation et de compétence, l'existence de soi-disant psychothérapeutes qui ne s'autorisent que d'eux-mêmes animés par un charisme personnel, par l'appât du gain ou comme moyen de se soigner eux-mêmes. N'importe qui peut se dire psychothérapeute et le mot-valise de "psychothérapie" a pris une extension qui le prive de toute signification allant du traitement des troubles mentaux graves au "coaching". Des magazines destinées au grand public multiplient les publicités pour des formations et des traitements onéreux, donnant même les indications thérapeutiques (Cf. "La psy, mode d'emploi" édité par "Psychologies magazine" (qui vend 250.000 exemplaires par numéro, dont la rubrique "Vous et votre psychothérapie" recueille 8.000 témoignages par an). (5). On sait que, notamment dans les pays scandinaves, des usagers reprochent au service public de ne pas mettre à leur disposition les dernières méthodes supposées supérieures parce que commercialement présentées comme nouvelles.

* l'émergence récente d'organisation de victimes des psychothérapeutes et ce que connaissent bien ceux qui ont l'expérience des consultations à l'hôpital (et que sont portés à ignorer ou à minimiser les autres), dégâts faits par de prétendus psychothérapeutes pervers, escrocs ou surtout incompétents, exploitant la fragilité psychique et le masochisme de leurs clients.

De ce fait l'établissement d'un cadre juridique se pose depuis de nombreuses années et se heurte à de grandes difficultés. L'amendement Accoyer est préparé depuis près de quatre ans.

Il est de fait que le développement de la psychanalyse et des psychothérapies s'est fait en dehors de la médecine et de la psychiatrie et au mieux dans des instituts et des associations privés, de valeur très inégale. L'université a pour fonction la garantie des diplômes et des compétences professionnelles, mais elle n'a pas le droit de sélectionner les candidats sur des critères de personnalité. Or la mise à l'écart des personnalités pathologiques s'avère indispensable en matière d'aptitude à l'action psychothérapique. L'Université n'a pas non plus les moyens d'évaluer une formation personnelle, ni ceux de donner une formation complète à la psychothérapie.

Il est nécessaire cependant de rappeler que l'enseignement de la psychopathologie et de la psychologie clinique (4) est toujours nécessairement associé à l'expérience de la fréquentation des lieux de soin psychique, la confrontation avec la maladie mentale et avec le savoir-faire des praticiens chevronnés. L'internat en psychiatrie, quelle que soit la place de la biologie et des chimiothérapies, est toujours l'expérience quotidienne de la relation avec des personnes souffrant de troubles mentaux et la pratique des investigations cliniques et des traitements. La formation en psychologie clinique, malheureusement à défaut d'internat en psychologie, comporte toujours, outre la formation scientifique de base dans tous les domaines de la psychologie, des stages dont les exigences ont été régulièrement accrues ces dernières années, notamment le stage obligatoire en psychiatrie, des supervisions, des formations pratiques à l'entretien (4). Les internes, dans une mesure variable, et les psychologues cliniciens, de manière plus approfondie, bénéficient d'un enseignement de la psychopathologie et une propédeutique à la connaissance de la psychanalyse et des psychothérapies. Dans les deux cas, la formation comporte des pratiques cliniques et thérapeutiques supervisées, au mieux élaborées théoriquement en équipe ou en groupe de travail et, obligatoirement en psychologie, la rédaction d'au moins un mémoire théorico-clinique, (parfois trois : en maîtrise, DESS et DEA).

L'expansion numérique anarchique des psychothérapeutes a suscité des réglementations dans de nombreux pays et, en dehors de toute référence à la psychiatrie et à l'Université, des tentatives d'autorégulation à l'échelon national et international. Elles font apparaître la psychothérapie comme une nouvelle profession admettant à partir de critères définis de nombreuses méthodes en dehors de toute référence à la médecine et à la psychologie clinique. Elles s'efforcent d'exclure ainsi les pratiques déviantes et certaines s'autorisent la délivrance d'un diplôme. Des fédérations européennes ont, depuis plus de dix ans, leurs propres activités scientifiques : congrès, journée scientifiques, publications, échanges avec des psychothérapeutes d'autre orientation.

Il importe de bien distinguer les deux grandes fédérations européennes de psychothérapie.

1. La Fédération Européenne de Psychothérapie Psychanalytique

Créée en 1991, d'abord en Angleterre en vue du recrutement des psychothérapeutes dans le secteur public, elle regroupe plus de 10.000 membres et se manifeste par des congrès, des revues, selon trois départements : adultes, enfants-adolescents, et groupes. Elle comporte une sous-organisation francophone, elle-même très active par des revues et des congrès. Elle est plus ou moins proche des sociétés psychanalytiques selon les pays. L'opportunité de ces institutions est justifiée par l'existence de plusieurs facteurs d'incidence croissante : la sélection rigoureuse de leurs membres pratiqués par les sociétés membre de l’Association psychanalytique internationale, l'élargissement des indications de psychothérapie, les besoins des institutions de plus en plus diversifiés du Secteur Public de psychiatrie, la raréfaction des psychiatres et l'orientation différente de leur pratique. Même si certains corporatismes psychiatriques le refusent, les psychothérapies faites par des non-psychiatres est un état de fait de plus en plus répandu et irréversible, même si le remboursement par les assurances maladie demeure restreint à quelques pays européens.

La fédération bénéficie d'une reconnaissance dans la plupart des pays européens et elle prend une importance croissante. Elle tente de constituer un front commun contre les psychothérapies non psychanalytiques empiriques, pragmatiques, "humanistes", athéoriques, et les psychothérapeutes sans formation ni affiliation, mais aussi contre la concurrence des techniques qui se définissent et se valorisent par leur efficacité dans la suppression des symptômes. L'opportunité de cette institution pour le recrutement des psychothérapeutes dans les institutions du secteur public n'est guère discutable.

2. L’European Association for Psychotherapy (EAP)

Elle regroupe plus de 120.000 psychothérapeutes de 38 pays. Elle ne reconnaît qu'une trentaine de méthodes alors qu'il en existe plusieurs centaines. En effet, pour être reconnue par cette organisation, une méthode et la formation correspondante doivent, en principe, répondre à des critères précis (qui semblent calqués directement sur le modèle de la psychanalyse) ainsi que l'attribution d'un "diplôme de psychothérapeute" (le CEP : certificat européen de psychothérapeute). En fait, le nombre élevé des affiliés laisse supposer une très grande hétérogénéité et un certain laxisme. La branche française a éclaté en deux, dont une seule est reconnue par la fédération européenne.

L'amendement Accoyer, en définissant les critères d'attribution d'une qualification, écarte d'autres projets, ceux de création d'un titre de psychothérapeute comme une nouvelle profession indépendante, création qui entérinerait les regroupements contestables comme ceux de l'European Association for Psychotherapy.

De quelles conceptions de la psychothérapie s’agit-il ?

Psychothérapies spécifiques et non spécifiques

Des organisations de psychothérapeutes définissent la psychothérapie comme "accompagnement de la souffrance psychique" : N'importe qui peut "accompagner", affaire de motivation et de charisme personnel. Accompagner, suivre, c'est renoncer à avoir une action productrice de changement. S'en distinguent donc les méthodes ayant pour but le développement personnel, la réalisation de soi, le mieux-être (même s'il n'est pas défini par la guérison du mal-être). L'écoute compréhensive, empathique, la compassion sont socialement utiles et peuvent avoir fonction de prévention, de consolation, de réparation, mais elle ne requiert pas de théorie organisée, seulement la bonne volonté et l'expérience de préférence supervisée et bénévole. Mais si elle est rémunérée, elle devient l'exercice d'un métier, posant la question de savoir ce qui l'autorise. Car, que le "thérapeute" (même de bien-portants) ne s'autorisant que de lui-même le veuille et le sache ou non, les phénomènes de transfert transforment la nature de la relation, ce qu'il peut exploiter à des fins perverses ou d'enrichissement et aussi qui peut déborder ses possibilités d'y faire face ; d'où souvent des ruptures brutales qui aggravent les dégâts, notamment sous forme de dépression voire de suicide.
Mais écouter n'est pas entendre. Pour avoir les moyens d'induire des changements significatifs et durables, c'est tout autre chose…

Le rapport du groupe de travail sur les psychothérapies de l'Académie de médecine

Publié en Juillet 2003, il a repris directement du Livre blanc de la psychiatrie (3) la distinction de trois niveaux correspondant à des exigences de formation différentes :

la "psychothérapie du profane", de bon sens, qui fait partie de toute relation de soin.

la "psychothérapie de base" du psychiatre et du psychologue clinicien, non spécialisée, nécessitant une formation (que le rapport rattache à la psychologie médicale) et qui correspond à ce que certains dénomment le "psychothérapeute généraliste",

les psychothérapies spécifiques, codifiées.

Outre la psychothérapie de base, et celle, généraliste, du psychiatre, les trois grandes formes de psychothérapie seraient : les thérapies comportementales et cognitives, systémiques et interactionnistes, et les psychothérapies psychanalytiques.

Remarques

Il n'est pas étonnant qu'un rapport au nom de l'Académie de Médecine soit très médico-centré, aille aussi jusqu'à préconiser un statut paramédical pour les psychothérapeutes et valorise les thérapies visant la suppression des symptômes considérée comme guérison validant "scientifiquement" la méthode. Par là, il se rapproche des projets du rapport dit Cléry-Mélin, typique de l'utopie planificatrice qui donnerait au "psychiatre coordonnateur" un rôle de chef d'orchestre de la Santé mentale. Mais ce qu'il convient de discuter ici c'est la référence faite à des études comparatives des méthodes psychothérapiques qui permettraient de dégager un "facteur commun non spécifique", et, du fait de cette relativisation, de préconiser l'éclectisme des pratiques, ou encore la psychothérapie dite intégrée ou intégrative. Le désir du plus grand pouvoir thérapeutique possible attribue au praticien ce qui ne peut être que la compétence diversifiée d'un service de psychiatrie qui juxtapose les méthodes mais ne peut pas les intégrer sinon dans un œcuménisme de façade. La méthodologie de ces études encourt de sévères critiques parce qu'elles méconnaissent le fait que selon les théories des pratiques, les mêmes mots n'ont pas le même sens, celui-ci étant tributaire de la conception d'ensemble de la vie psychique. Ce qui n'est pas dit est que les fondements théoriques et les dispositifs pratiques de ces méthodes sont très différents les uns des autres et même antinomiques, mais ils comportent toujours un contrat au moins implicite entre le patient et le thérapeute.

Ces psychothérapies spécifiques, comme la psychanalyse, supposent un choix personnel de l'étudiant et ne peuvent jamais être imposé. Chaque forme a des exigences propres de formation. Elle peut être assurée à la fois par l'Université (comme propédeutique) et par les Instituts de formation des Associations privées (notamment à partir des lieux de soins) avec lesquelles un contrat peut être établi. La répartition des rôles pourrait être définie, cas par cas, en fonction des possibilités des uns et des autres.

Les psychothérapies analytiques

Les psychanalystes ne sont apparemment pas concernés par l'amendement Accoyer, mais ils craignent que le même cadre juridique ne leur soit imposé par la suite. De plus, si des psychothérapeutes ne peuvent pas être habilités ou si leur candidature est refusée, il leur serait facile de se dire psychanalystes, comme c'est déjà le cas à petite échelle : le nombre des soi-disant psychanalystes ne s'autorisant que d'eux-mêmes se multiplierait encore.

Les psychanalystes dans leur grande majorité acceptent l'idée de Freud selon laquelle la psychanalyse est une psychothérapie, mais une psychothérapie spécifique qui s'est constituée et développée contre les psychothérapies préexistantes, c'est-à-dire contre les pratiques du magnétisme, contre l'hypnose, la méthode cathartique, la suggestion. Ces méthodes n'en n'ont pas moins persisté plus ou moins, et elles font retour depuis quelques décennies, parfois sous de nouveaux habits. Les méthodes, apparues par la suite, se sont constituées en dehors ou contre la psychanalyse, à partir du béhaviorisme et de la psychologie du comportement : les thérapies comportementales ; à partir de la psychologie de la Forme : la Gestalt thérapie ; à partir de la cybernétique, des théories des systèmes et de la communication : les thérapies systémiques de groupe, interactionnistes et informatiques. Les conditions historiques de leur apparition donne un éclairage instructif et clarificateur (1).

Pour les psychanalystes, les psychothérapies analytiques font partie de leur métier au point que certains, insistant sur le continuum des traitements psychanalytiques, considèrent qu'il s'agit de psychanalyse dans la diversité des contextes et des cadres, parlant par exemple de "psychanalyse en face à face". L'important est que le praticien soit psychanalyste. C'est pourquoi ils critiquent la notion de "psychothérapie d'inspiration psychanalytique", retenue par le rapport de l'Académie, du fait de l'indétermination qu'elle laisse quant aux compétences de ceux qui la pratiquent : psychanalyste ou psychothérapeute ayant fait ou non une analyse personnelle ?

Le désir de maintenir la définition de la psychanalyse dans toute sa rigueur porte d'autres à distinguer nettement des autres cadres, des aménagements et des médiations, le site ou la situation analytique spécifique de trois ou quatre séances par semaine de quarante-cinq minutes,. Mais il n'est plus possible d'ignorer le problème que pose la formation des psychanalystes à des pratiques différentes de la cure classique, par exemple pour les pathologies graves, pour l'enfant, l'adolescent, le couple, la famille, le groupe.

La psychanalyse et les psychothérapies psychanalytiques (qui au sens strict ne peuvent être faites que par des psychanalystes) sont de la responsabilité des associations spécialisées qui assument la responsabilité de la sélection, de la formation et de l'habilitation de leurs membres.

Les réactions au vote de l'amendement

Sous son apparente simplicité, l'amendement a de nombreuses facettes. Il cristallise de nombreux problèmes en débat dont ceux qu'occulte le mot-valise de psychothérapie.

Pour certains, l'amendement Accoyer est jugé inutile et dangereux par ce qu'il met en cause des situations établies sans avoir les moyens de distinguer les bonnes et les mauvaises pratiques psychothérapiques. Et, ni les médecins qualifiés en psychiatrie ni les psychologues cliniciens ne sont obligatoirement qualifiés en psychothérapie, sauf à donner à ce terme une signification très vague sans référence à une formation et à une compétence spécifique. En attendant d'éventuels remaniements de l'amendement et les décrets d'application, la composition des futurs jurys et commissions d'agrément reste indéterminées. Ainsi, par son existence ou par son imprécision, il alimente les interprétations et cristallise les méfiances, les suspicions. Pour certains, il apparaît comme un des symptômes de l'emprise totalitaire de l'"Etat stratège", du pouvoir médical et psychiatrique, comme une attaque des psychothérapeutes qui empêchent l'industrie pharmaceutique d'accroître encore ses bénéfices par une plus grande consommation de psychotropes… Le pouvoir donné aux psychiatres en limitant la définition de la psychothérapie au soin des troubles mentaux, ne serait qu'un des aspects des mises en causes actuelles de l'héritage de Mai 68, voire de la séparation de la neurologie et de la psychiatrie…

Contrairement à ce que certains font mine de croire, les normes et l'évaluation des résultats des traitements ne concernent que les pratiques pouvant donner lieu à remboursement par l'Assurance Maladie. Il reste que l'évaluation des résultats comparés des diverses méthodes de psychothérapie sur le critère de la disparition des symptômes n'est pas recevable parce qu'elle méconnaît la spécificité du domaine et qu'elle encourage les pratiques de la suggestion dont on sait les effets illusoires. Il est vrai que les évaluations par questionnaires et par échelles comportementales, très utilisées en matière de chimiothérapie et de thérapie comportementale, valorisent les résultats objectivables à court terme, et que le point de vue budgétaire et technocratique peut servir à disqualifier indûment les méthodes qui, comme la psychanalyse, visent un remaniement des modes de fonctionnement et d'organisation psychiques.

Les psychanalystes qui ne sont ni médecins ni psychologue, nombreux dans les écoles lacaniennes, sont évidemment très hostiles à l'amendement. Le problème est particulièrement compliqué du fait de l'existence de diverses sortes de psychanalystes dans l'héritage de l'école de Lacan. L'éclatement en nombreux sous-groupes (plus de 15 dans l'Agenda de la psychanalyse de 1988) rend difficile la distinction de ceux qui sont analystes et de ceux qui, parfois sans expérience clinique et sans autre formation qu'une analyse dans des conditions discutables, ne s'autorisent que d'eux-mêmes, dans une pratique sans rendez-vous, avec des séances de durée brève voire ultra brève, dans l'imitation du fonctionnement du cabinet du Dr. Lacan (qui lui valu, il y a cinquante ans, l'exclusion de l'Association internationale créée par Freud).

De plus, depuis leur origine, les départements de psychanalyse installés dans les UFR de philosophie, comme à l'Université Paris 8 (à St. Denis), ne sont pas habilités à délivrer des diplômes de psychologues. Mais d'une manière plus générale, quel que soit l'apport très généralement reconnu de Lacan à la théorie psychanalytique, l'exemple de ses pratiques en rupture avec les normes internationales, les séances sans rendez-vous ("Venez quand vous voulez !"), leur durée variable mais souvent très brève, ainsi que l'aphorisme selon lequel l'analyste ne s'autorise que de lui-même, ont produit des abus et des dégâts, et parfois des escroqueries caractérisées. Elles pèsent lourd dans l'héritage alors même que d'excellents psychanalystes lacaniens sont revenus à des pratiques plus sérieuses et s'efforcent d'organiser des formations cohérentes au sein de leurs associations. Il est évident que les effets désastreux des pratiques pseudo psychanalytiques, qui s'autorisent ou non de l'exemple de Lacan, n'apparaissent guère que dans les consultations auprès d'autres psychanalystes et d'autres psychiatres, et aussi que toutes les pratiques psychanalytiques et psychothérapiques ont, comme dans tous les domaines de la médecine, des échecs et des succès. Contrairement au discours des philosophes, la guérison par la cure psychanalytique, de quelque manière qu'on la définisse, n'est ni impossible, ni rare : c'est donc bien d'abord un traitement et pas seulement un traitement).
Sur des arguments qui méritent attention, certains estiment le projet d'amendement inutile et inopportun. Ils redoutent les pouvoirs de jugement et de contrôle conférés aux psychiatres de la psychiatrie hospitalo-universitaire au moment même du retour de la neuropsychiatrie dans les orientations théoriques et pratiques. Les progrès des chimiothérapies et des neurosciences sont parfois utilisés pour mettre en cause la séparation de la neurologie et de la psychiatrie conquise de haute lutte après 1968. La crise interne de la psychiatrie, comme crise d'identité, suscite aussi, à l'opposé, le retour des idées du Livre blanc de 1965-1967. Beaucoup sont reprises dans le récent Livre blanc de la psychiatrie (3) qui a préparé les récents Etats Généraux de la psychiatrie (Juillet 2003).

La psychiatrie

L'amendement a été voté trois mois après ces Etats Généraux qui ont tenté de faire face à la grave crise d'identité de la psychiatrie, plus que jamais éclatée entre les neurosciences et la tradition dite humaniste. Les méthodes de la recherche et les excès de la technicité de la psychiatrie universitaire tend à ignorer la dimension relationnelle et la démarche diagnostique portant sur l'ensemble de la vie psychique passée et présente. L'éclectisme de pratiques sans théorie et l'éclatement atomistique de la sémiologie induisent des pratiques dont le but se limite à la disparition des symptômes : les chimiothérapies, les thérapies comportementales et de suggestion.

D'où l'émergence d'une psychiatrie qui se veut clinique, interdisciplinaire voire "philosophique". Il faut ajouter que la pénurie de psychiatres et la misère de la psychiatrie du Secteur public entraînent des réactions corporatistes compréhensibles et des positions alarmistes justifiées. La reconnaissance de l'autonomie des psychothérapeutes dans une nouvelle profession pourrait servir à justifier une diminution accrue des fonctions, des responsabilités et des crédits de la psychiatrie (donc le risque accru dépendance vis-à-vis de l'industrie pharmaceutique). Dans la mesure où la psychothérapie est un traitement des troubles mentaux, elle doit rester liée à la psychiatrie, mais elle est aussi autre chose. Se retrouve ici la différence du normal et du pathologique dont on sait à quel point, dans ce domaine, elle est liée aux valeurs. L'OMS a ainsi défini la Santé par un complet bien-être physique et mental : la souffrance psychique, le mal-être doivent être soignés bien n'étant pas de l'ordre des troubles mentaux. D'où la difficulté de tracer une frontière claire entre psychothérapie et technique de développement personnel et de mieux-être.

Mais, si la médecine et la chirurgie sont aussi et de plus en plus confrontées à des demandes d'interventions sur les bien-portants, le problème prend une tout autre extension en matière de psychothérapie.
N'est pas sans incidence dans l'extension des indications des psychothérapies l'influence de la psychanalyse. Elle a profondément modifié, à l'échelle internationale, la compréhension clinique des troubles mentaux en opposition aux points de vue exclusivement organicistes, notamment ceux qui fondent la pratique, au demeurant toujours très empirique et tâtonnante, des chimiothérapies. Il était logique que la dimension psychothérapique de toute relation de soin, en médecine et surtout en psychiatrie, amène les praticiens à utiliser des notions et des modèles théoriques empruntés à la psychanalyse, et que, même sans avoir la formation et la pratique de la psychanalyse, et éventuellement après une psychanalyse personnelle, leur pratique thérapeutique soit d'inspiration psychanalytique ou qu'ils fassent des psychothérapies dites d'inspiration psychanalytique.

Conclusions

L'amendement Accoyer, préparé depuis plusieurs années, donne actualité à des problèmes très réels au moment où la psychiatrie s'interroge sur elle-même. Il est de fait que la pratique des psychothérapies, sur l'exemple de la psychanalyse, échappe de plus en plus à son contrôle et que les responsables de la santé publique ne peuvent pas continuer à laisser n'importe qui se dire psychothérapeute sans aucune formation à des fins mercantiles ou sectaires.
On ne peut que se réjouir que, simultanément, la psychiatrie s'interroge sur elle-même, se soucie de la dimension psychothérapique de tout soin psychiatrique, et aussi qu'il soit envisagé que les psychiatres bénéficient sur ce plan d'une formation améliorée susceptible de se prolonger après leur qualification par un engagement personnel en vue de la pratique de l'une ou l'autre des grandes formes de psychothérapie spécifique.

Il n'y a pas lieu de distinguer une psychothérapie médicale ou sous contrôle médical sinon du point de vue du remboursement des traitements psychothérapiques. C'est un progrès que soit officiellement reconnue la compétence potentielle des psychologues cliniciens en matière de psychothérapie. Ce qui correspond à l'état de fait.

Il est inévitable qu'une certaine organisation tente de mettre de l'ordre de ce qui de l'extérieur apparaît de plus en plus comme le désordre français. Les modèles européens devraient être étudiés plus précisément dans leurs dispositifs et dans leurs effets.

L'état de fait c'est aussi l'existence de fédérations européennes d'organismes de formation à diverses formes de psychothérapie dont celle qui délivre très largement de sa seule initiative privée, prenant la fonction de l'Université, un « certificat européen de psychothérapie .

On ne peut continuer à nier le problème posé par la prolifération de faux psychothérapeutes et de fausses formations onéreuses pour devenir rapidement psychothérapeute ou soi-disant tel.
La psychanalyse et l'ensemble des traitements psychanalytiques demandent une formation longue qui s'est imposée comme modèle à d'autres méthodes apparues ou réapparues ces dernières décennies.
Les associations psychanalytiques reconnues doivent assurer la formation de leurs membres dans tout le champ des traitements psychanalytiques et se porter garant de leur compétence.
Il est hautement souhaitable que les usagers aient les moyens de savoir quelle est la compétence de leur psychothérapeute et que des listes de ceux qui sont habilités pour telle ou telle forme de pratique soit à la disposition de ceux qui le souhaitent. Il est évident que ces dispositions ne feront pas disparaître les charlatans et les escrocs, mais qu'elles pourraient limiter les dégâts qu'il faut cesser de nier au nom de la liberté.


Quelques références en 2003
(1) Brusset B. Les psychothérapies. Paris, Puf, (Que sais-je ? n°480), Juillet 2003
(2) Elkaïm M. (sous la dir.) À quel psy se vouer ? Paris, Le Seuil, 2003.
(3) Livre blanc de la psychiatrie par la Fédération française de Psychiatrie (Ed John Libbey Eurotext, janvier 2003)
(4) Mietkiewwicz M. C. et Bouyer S. (sous la dir.) Où en est la psychologie clinique ?, Paris, L'Harmattan, 2003
(5) La psy, mode d'emploi. Paris, Marabout, 2003.



Décembre 2003

Source : site de la SPP




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