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Amendement de l'amendement de Dr. Ch. VASSEUR

LES PSYCHOTHERAPIES ET LA LOI


Rédigé le Vendredi 19 Décembre 2003 à 00:00 | Lu 196 commentaire(s)



Entre foire d’empoigne et travail d’élaboration


Oui, c’est presque fait (cf. N° 129, p. 10-11) : l’amendement Accoyer est bien sur les rails de sa maturation définitive. C’est dire si les confirmations et modifications qui seront apportées lors de sa lecture par les Sénateurs (1), avant son deuxième passage au Parlement, seront particulièrement importantes puisque les décrets d’application qui suivront leur intelligibilité et leur acceptation, dépendront de la qualité de la formulation de l’esprit de la loi, son intention première.

Or, à lire et à entendre les réactions des uns et des autres, sans compter les manipulations politico-médiatiques (2) de quelques habitués, il semble que son intention première n’a pas été perçue ou, au contraire, a bien été entendue mais c’est là que le bât blesse. Rappelons le fond que l’amendement déclare et qui devient une affaire : toute personne qui veut faire profession de soignant en utilisant les outils de traitement médico-psychologiques que sont les psychothérapies doit avoir préalablement reçu une formation théorique et clinique à la psychopathologie que, pour l’instant, seuls les psychiatres et les psychologues cliniciens peuvent, et pour cause, garantir.

Jusque-là, il n’y a pas d’erreur d’interprétation possible : l’amendement pose un fondamental qui demeurera incontournable jusque dans cent ans et plus. En effet, avant de travailler à l’évolution d’un objet, il faut savoir ce qui le constitue ; c’est élémentaire, dans quelqu’apprentissage que ce soit. Bien sûr, et afin qu’aucune ambiguïté demeure, l’apprentissage de la psychopathologie clinique est celui qui s’acquiert à la clinique de la psychopathologie, c’est-à-dire « au lit du malade » (hôpitaux, CMP, policliniques, etc…) sous la conduite de seniors, maîtres, patrons, praticiens avertis ayant eux-mêmes connu la même expérience professionnelle. Il s’agit bien d’un corps à corps avec l’univers de la maladie mentale et de l’institution soignante ; d’une immersion.

Ce ne peut être qu’après l’acquisition de ce tronc commun des bases de la formation, que chacun pourra s’orienter vers les différentes possibilités de traitement psychothérapique. Pour l’instant, seuls les psychiatres et les psychologues cliniciens peuvent garantir à la société la capacité de diagnostiquer des symptômes, des syndromes, des structures et des maladies, mais aussi celle de pronostiquer ; ce qui préside à la décision thérapeutique de telle ou telle orientation thérapeutique.

Ne pas imposer ce minimum à tous les « professionnels » qui s’engagent socialement dans la responsabilité de soigner, serait de la part de l’Etat un comportement à risques inexcusable, voire irresponsable, surtout lorsqu’on sait les lois d’encadrement des pratiques auxquelles sont soumis les médecins et bientôt les psychologues cliniciens (cf. devoir d’information…).

C’est la position que nous avons défendue tant auprès de B. Accoyer que de l’Ordre des Médecins et de l’Académie de Médecine.

A relire la dernière formulation de l’Amendement voté, il est clair que nous n’avons pas été les seuls interlocuteurs du législateur car, en se voulant déjà mise en œuvre des principes, le texte perd de sa qualité de référence en donnant des orientations insuffisamment discutées.

C’est pourquoi nous soutenons auprès de B. Accoyer ce qui précède et, avant la mise en place de toute commission d’accréditation, l’institution d’un Collège scientifique dont les membres, proposés par les sociétés savantes et nommés par décret, auront à qualifier les instituts de formation. L’accréditation des personnes qui ne sont ni psychiatres ni psychologues cliniciens pourra alors se faire par des commissions régionales qui recevront leurs directives de ce Collège scientifique qui, du fait de sa composition, travaillera en recevant des incitations des Pouvoirs Publics comme des enseignants et des praticiens. Au mieux, sa situation d’interface devra être pondérée par une Commission spécialisée du CCNE ayant fonction d’arbitrage et de médiation des relations de travail entre les Pouvoirs Publics et les praticiens, et avec… les patients-usagers.

Ainsi posée, la proposition de B. Accoyer redeviendrait davantage un outil législatif dynamique et toujours évolutif pour le mieux de la vie des individus et de la société, et sa reformulation -amendement de l’amendement- possible par le Sénat (3) pourrait être plus précise quant à la justification première de l’Amendement de B. Accoyer : les savoirs obligatoires qui justifient le crédit de compétence donné à un soignant qui s’affiche comme tel dans la société. De plus, elle ouvre une aire évolutive, espace de réflexion éthique qui s’offre aux potentialités actuelles ; et à celles que proposera l’avenir.

Cette ouverture de la législation de la pratique des psychothérapies reprend globalement la structuration de l’espace de notre démocratie, de sa topique, et devrait donc avoir des accents familiers pour les gardiens de la législation, sans que nous ayons à leur rappeler ces bases élémentaires.

C. V.
Président AFP

10.12.2003


(1) La Conférence des Présidents au Sénat, qui est chargée d’établir les ordres du jour, a refusé début décembre de valider le principe d’une Mission d‘information sur les psychothérapies, proposée par Claude Estier. La Commission des Affaires sociales du Sénat avait, pour sa part, entamé ses auditions sur le projet de loi relatif à la Santé publique et, notamment, sur la question des psychothérapies.

(2) - Jacques-Alain Miller (Libération, 25.10.03), et notre réponse en forme de communiqué de presse, le 28.10.03.
- le Bloc-Notes de Bernard-Henry Lévy (Le Point, 21.11.03), et notre réponse du 21.11.03, point par point, mise au placard par le journal et le récipiendaire.
- l’article Les faux-semblant de l’amendement Accoyer (Le Monde, 23.11.03), et les courriers d’Elisabeth Roudinesco, le 30.11.03 et le 05.12.03, et nos réponses du 25.11.03 et du 02.12.03, point par point, mises au placard par le journal et l’auteur de l’article.
- l’article Pourquoi les français consomment-ils autant d’antidépresseurs ? (Marianne, 21.11.03) de Sophie Bialek et Pierre Sidon, auquel nous avons répondu, point par point, et qui a été aussi mis au placard par le journal.
divers articles qui, sous l’alibi de l’affirmation canonique de l’analyse laïque, c’est-à-dire la psychanalyse pratiquée par des non-médecins que personne ne conteste, ont en commun de tenter de promouvoir et de faire légaliser le principe des psychothérapies pratiquées par des non-psychiatres, non-psychologues, non-psychopathologues. Paradoxe ou totale imposture, les actuels donneurs de leçons en psychiatrie (et c’est une des perversions de la confusion psychiatrie/ santé mentale) sont philosophes, écrivains, journalistes, acteurs (hé oui), mais médiatiques. Dit autrement, en France, pour avoir quelque chance d’atteindre les représentants du pouvoir (députés, sénateurs, ministres), mieux vaut être coutumier de Star Académy ou de Loft Story. Ça porte un nom, çà ! A Vienne, Freud aurait parlé de Schlamperei !


(3) Amendement de l’amendement :

« Les psychothérapies constituent des outils thérapeutiques utilisés dans le traitement des pathologies mentales. Leur mise en œuvre ne peut relever que de psychiatres ou de psychologues clinicien dont seules leurs formations sont actuellement à même de garantir l’acquisition des connaissances psychopathologiques théoriques et cliniques indispensables au respect de leurs indications thérapeutiques et de leur pratique, en pleine responsabilité professionnelle, morale et juridique, auprès des personnes souffrantes.

Les professionnels en activité non titulaires de ces qualifications, qui mettent en œuvre des psychothérapies depuis plus de cinq ans à la date de promulgation de la présente loi, pourront poursuivre cette activité thérapeutique sous réserve de satisfaire dans les trois années suivant la promulgation de la présente loi à une évaluation de leurs connaissances devant un jury d’accréditation régional. La composition, les attributions et les modalités de fonctionnement de ce jury seront fixées par arrêté conjoint du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de l’enseignement supérieur, après avis d’un Collège scientifique national, dont les membres seront proposés par les Universitaires de psychiatrie et de psychologie, les Sociétés psychanalytiques, les Fédérations de psychiatres et de psychologues, et par les Ministères de la Santé et de l’Education nationale. Il reviendra à ce Collège de qualifier les instituts de formation.

La psychanalyse et ses diverses applications doivent garder leur qualité de référence indispensable et singulière. L’enseignement de la psychanalyse, la formation et la reconnaissance de la qualification de ses membres relèvent de la seule responsabilité des sociétés de psychanalyse.

Les relations entre le Collège scientifique, les Pouvoirs Publics, les professionnels et les patients-usagers s’appuieront sur la médiation d’une commission compétente du Conseil Consultatif National d’Ethique. »


Dr. Christian VASSEUR est psychiatre, président de l'AFP (Association française de psychiatrie) et membre de la SPP (Société psychanalytique de Paris). Il a collaboré pour l'écriture première de l'amendement Accoyer.



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