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Le diagnostic et le pronostic de dangerosité des malades mentaux psychotiques, 01/01/2009


Rédigé le Jeudi 1 Janvier 2009 à 00:00 | Lu 4185 commentaire(s)


Par

Jean-Pierre Bouchard


Psychologue hors classe des hôpitaux, spécialiste des agresseurs et des victimes, diplômé d’études supérieures spécialisées (D.E.S.S.) en psychologie pathologique et clinique, docteur en psychopathologie, docteur en droit, diplômé en criminologie appliquée à l’expertise mentale, diplômé en victimologie (Universités de Paris V et de Washington), promoteur d’une proposition de réforme de la formation des psychologues en France et dans l’Union européenne, membre et rapporteur du comité d'appel à projets sur l'expertise judiciaire de la mission de recherche Droit et Justice (Ministère de la Justice, C.N.R.S.). Centre International de Sciences Criminelles et Pénales (C.I.S.C.P.), Paris. Laboratoire de Psychologie Clinique et de Psychopathologie (LPCP EA 4056), Université Paris-Descartes. France.


Le diagnostic et le pronostic de dangerosité des malades mentaux psychotiques, 01/01/2009
Les délires de persécution et de préjudice sont les thèmes délirants les plus fréquents. Même si les mobiles pathologiques des auteurs d’infractions ne se réduisent pas à ces thèmes, ils semblent être les plus criminogènes. Ils induisent, chez les sujets psychotiques (schizophrènes ou paranoïaques ) qui en souffrent, un climat émotionnel, fait d’angoisse, de peur, et quelque fois de rancœur, qui suscite, la plupart du temps, des réactions d’auto défense pathologique. Ces réactions de défense sont faites de comportements d’évitement ou de fuite, voire, parfois, d’agressions contre les persécuteurs supposés. Dans ce cas, ces passages à l’acte violents sont destinés à maîtriser ou à anéantir la source de la persécution éprouvée par les personnes qui en souffrent. Ils peuvent donner lieu à des homicides à l’intérieur et/ou à l’extérieur de la famille. Des exemples l’attestent régulièrement.
Ces homicides sont générés, dans la plupart des cas, par une activité délirante ancienne et connue de l’entourage personnel et sanitaire des futurs criminels. Au décours d’épisodes déclenchant (dispute avec la ou les futures victimes, éléments ou accès délirants, accès d’angoisse, de peur, de souffrance et/ou de haine lié au délire, etc.), cette auto défense pathologique peut trouver son point culminant dans des passages à l’acte violents, archaïques et meurtriers. La non prise en compte ou la sous estimation par l’entourage personnel et/ou sanitaire des indicateurs psychopathologiques et de dangerosité est un facteur fréquent de facilitation de ces passages à l’acte meurtriers. Après les agressions et les homicides ces criminels souvent désorganisés se sentent en général soulagés, désertent les scènes de crimes qui portent fréquemment les marques de leur psychisme délirant et ne sont pas très difficiles à retrouver.
Ces homicides étant induits par des délires psychotiques plus ou moins florides, les meurtriers doivent être considérés après expertise(s) pénalement irresponsables de leurs actes criminels comme le stipule depuis 1810 le Code Pénal. Ils doivent être hospitalisés d’office en service classique de psychiatrie, en unité de soins intensifs psychiatriques (U.S.I.P.) ou en unité pour malades difficiles (U.M.D.) pour y être soignés et pour protéger d’éventuelles victimes.
L’évaluation et le diagnostic objectifs de ces troubles sont essentiels pour prévenir les passages à l’acte dangereux et pour traiter de façon adaptée ces patients. En complément de l’arsenal thérapeutique classique, certaines prises en charge psychothérapiques nouvelles, les thérapies cognitives et comportementales des psychoses chroniques, paraissent être un vecteur thérapeutique et préventif prometteur pour abraser ou résoudre la dimension criminogène de certains de ces délires de persécution.
L’évaluation et la prise en compte le plus tôt possible des indicateurs psychopathologiques et de dangerosité de ces sujets psychotiques, le contrôle de leur assiduité au traitement psychothérapeutique et psychotrope, ainsi que l’hospitalisation d’office si nécessaire, sont des mesures préventives et curatives incontournables à mettre en place systématiquement pour éviter les passages à l’acte dangereux.
Quelques éléments fondamentaux connus des acteurs de santé et notamment de tous les acteurs de santé mentale en France, sont à rappeler. Leur mise en place permet de prévenir la survenue de ces dramatiques épisodes pathologiques et dangereux.
S’il y a une indication de traitement et un refus de collaboration du patient, il faut recourir aux modalités d’hospitalisation sans le consentement du sujet, modalités régies par la loi du 27 juin 1990 (parue au journal officiel du 30 juin 1990) qui a remplacé celle du 30 juin 1838 (qui permettait déjà ces placements psychiatriques sous contrainte). Il s’agit de l’hospitalisation sur demande d’un tiers (H.D.T.) lorsque l’état de santé du patient « rend impossible son consentement » et « impose des soins immédiats, assortis d’une surveillance constante en milieu hospitalier » ou de l’hospitalisation d’office (H.O.) « si les troubles mentaux compromettent l’ordre public ou la sûreté des personnes ». En cas de nécessité l’H.D.T. est transformable en H.O. Ainsi ce dispositif légal permet, en particulier avec l’hospitalisation d’office, de traiter les sujets potentiellement ou manifestement dangereux pour eux-mêmes et/ou pour autrui. Une des qualités majeures de ce dispositif est de permettre l’anticipation et la prévention des passages à l’acte dangereux en évitant des situations dramatiques aux victimes potentielles ainsi qu’à leurs proches et de permettre également le traitement des patients concernés en leur évitant de commettre des infractions graves dont ils porteraient souvent (ainsi que leurs proches) les stigmates sociaux leur vie durant même en cas de rémission de leurs troubles.
Il est classiquement admis que ces prises en charge s’organisent autour de deux axes cliniques principaux : celui des traitements psychotropes indiqués par rapport aux troubles concernés et celui des psychothérapies adaptées à ces troubles pratiquées par des cliniciens (psychologues ou psychiatres) formés à l’exercice de ces psychothérapies. Des moyens thérapeutiques complémentaires peuvent éventuellement être également mis en place s’ils sont indiqués et possibles (ergothérapie, psychomotricité, etc.).
Ces hospitalisations d’office peuvent être réalisées dans tous les services traditionnels de psychiatrie publique (ou dans les services de psychiatrie privée équivalents) français (dont c’est une des missions importantes et prioritaires), dans les unités pour malades difficiles (U.M.D. de Villejuif dans le Val de Marne, de Montfavet dans le Vaucluse, de Sarreguemines en Moselle, de Cadillac en Gironde et de Plouguernevel dans les Côtes-d’Armor), dans les unités fermées des hôpitaux psychiatriques de Pau (Pyrénées Atlantiques), de Lyon-Bron (Rhône), de Prémontré (Aisne), à l’U.P.I.D. (Unité Psychiatrique Intersectorielle Départementale de Cadillac-sur-Garonne en Gironde) ou dans les U.M.A.P. (Unités pour Malades Agités et Perturbateurs de Nice dans les Alpes-Maritimes et d’Eygurande en Corrèze). Ces unités fermées, cette U.P.I.D. et ces U.M.A.P. ont été rebaptisées en 2005 Unités de Soins Intensifs Psychiatriques (U.S.I.P.). Avec l’U.S.I.P. de Paris elles se sont regroupées sous forme associative : l’association nationale des U.S.I.P. (A.N.D.U.S.I.P.). Quelques soient les structures où elles sont mises en place, les hospitalisations d’office doivent durer tant que les sujets hospitalisés sous ce régime sont porteurs d’un potentiel de dangerosité.
Ces éléments capitaux brièvement résumés font l’objet d’un consensus depuis très longtemps en France quant aux moyens à mettre en place pour traiter les malades mentaux potentiellement ou manifestement dangereux.
Cette communication a été abondamment illustrée par des exemples cliniques.


* Résumé de la communication-atelier de quatre heures trente faîte au « XXIIe Forum professionnel des psychologues » ayant pour thème « La question diagnostique et le psychologue », 27-29 novembre 2008, Avignon, Palais des Papes, France. Voir actes du forum.



Références :

Bouchard J.-P., Schmitt S., Anton D. et al. Soins Psychiatrie. Numéro spécial consacré aux Unités pour Malades Difficiles (U.M.D.). Mars 2009.

Bouchard J.-P. Psychoses et parricides. Communication faîte dans le cadre du colloque international interdisciplinaire francophone « Meurtres d’enfants, enfants meurtriers : approches pluridisciplinaires », 27-29 novembre 2008, Université Rennes 2, Haute Bretagne, France. Voir actes du colloque.

Bouchard J.-P. Schizophrénie et dangerosité. Conférence faîte au Salon Infirmier, Parc des Expositions, Porte de Versailles, Paris, 5-7 novembre 2008.

Bouchard J.-P. Paranoïa, schizophrénie et dangerosité : de la clinique à la prévention des passages à l’acte. Communication faîte dans le cadre des 18èmes journées de l’Association Francophone d’Etudes et de Recherche sur les Urgences Psychiatriques (A.F.E.R.U.P.) ayant pour thème « Urgences psychiatriques et dangerosité : de la psychiatrie à la criminologie » sous le haut patronage du Ministre de la Santé et des Solidarités. Centre Universitaire, Agen, 23 et 24 mars 2007.

Bouchard J.-P. Violences, homicides et délires de persécution/Violence, homicide and delirium of persecution. Annales Médico Psychologiques (Paris), 2005, n° 10, Vol.163, 820-826.

Bouchard J.-P. & Bachelier A.-S. Schizophrénie et double parricide: à propos d’une observation clinique/Schizophrenia and double parricide: about a clinical observation. Annales Médico Psychologiques (Paris), 2004, 162(8), 626-633.

Bouchard J.-P. Le parricide commis par des sujets masculins psychotiques: de l’analyse clinique à la prévention (étude portant sur 55 cas de parricide). Thèse pour le doctorat en psychopathologie (Nouveau Régime), Université de Toulouse 2, Faculté de psychologie, Centre d’Études et de Recherches en Psychopathologie, 2000 (Première analyse criminelle comportementale du parricide, conçue et débutée en 1979, portant sur la période 1950–2000).

Bouchard J.-P. Evolution sémantique, pénale et répressive d’un crime hors du commun : le Parricide. Revue d’Études et d’Informations de la Gendarmerie, troisième trimestre 1997 ; 185 : 56–61.

Bouchard J.-P. Le Parricide : de la clinique à la prévention. Conférence faite dans le cadre du 31ème congrès de l’Association française de Criminologie (congrès consacré à «l’homicide») sous le haut patronage du garde des Sceaux, ministre de la Justice. Ajaccio–Corte, 14-16 mars 1996.

Bouchard J.-P. Tuer père et mère, ou le tragique périple d’un double parricide. Revue Internationale de Philosophie Pénale et de Criminologie de l’Acte, n° 5-6, 1994, 269-276 ; Revue de Psychiatrie et de Psychologie Légales « Forensic », n° 11, 1995, 11-14 ; Soins Psychiatrie, n° 180, février 1996, 27-30.

Bouchard J.-P. Intérêt préventif et curatif des thérapies cognitives et comportementales dans le traitement des croyances délirantes criminogènes et parricides. Mémoire pour le diplôme d’Université de thérapies cognitives et comportementales. Faculté de médecine, Université de Bordeaux II, 1993-1994-1995.

Bouchard J.-P. Des mères tuées par leur fils : analyse du processus de victimisation dans le matricide pathologique. Mothers killed by their son: analysis of the process of victimization in pathological matricide. Mémoire pour le diplôme de Victimologie de l’American University of Washington (School of Public Affairs, Department of Justice, Law and Society) et de la faculté de médecine de l’Université René Descartes Paris V, 1993-1994.

Bouchard J.-P. Les malades mentaux dangereux, délinquants et criminels, en service psychiatrique de sûreté. Conférence faite dans le cadre du 28ème congrès de l’Association Française de Criminologie (Pau, 1993) publiée dans la Revue d’Études et d’Informations de la Gendarmerie Nationale, 4ème trimestre 1993, n° 171, 11-13, et dans l’ouvrage « Profession criminologue », Éditions Érès, 1994, 153-160.

Bouchard J.-P. Sous l’emprise du délire : évolution d’un cas de schizophrénie ayant donné lieu à des passages à l’acte meurtriers, vampiriques et cannibaliques. Nervure, Journal de Psychiatrie, III/3, avril 1990, 37-40 (article primé dans le cadre du concours de la meilleure observation clinique).

Bouchard J.-P., Gérard H. et al. L’U.P.I.D. : nouveau moyen de traiter les malades perturbateurs. Soins Psychiatrie, n° 146/147, décembre 1992-janvier 1993, 3-53.

Bouchard J.-P. L’expertise mentale judiciaire : le temps de la réforme et de la modernisation. Communication faîte dans cadre du colloque international sur « Les nouvelles figures de la dangerosité », Ecole Nationale d’Administration Pénitentiaire (E.N.A.P.), Agen, 15-17 janvier 2008. Communication publiée dans les Actes du colloque aux Editions L’Harmattan, 2008.

Bouchard J.-P. Para uma reforma da perícia psiquiátrica e da perícia psicológica na União Europeia. In A.C. Fonseca (ed.). Psicologia e Justiça. Coimbra: Nova Almedina. Portugal. 2009.

Bouchard J.-P. Formation des psychologues: Un doctorat réformé en psychologie. Psychologues et Psychologies, n° 201-202, 78-80, octobre 2008.

Bouchard J.-P. Proposition de réforme de la formation des psychologues en France et dans l’Union européenne/A proposal for reforming psychologists’ training in France and in the European Union/ Reformvorschläge zur Ausbildung der Psychologen in Frankreich und der Europäischen Union. L’Encéphale, 2008. Consultable sur le site Internet : www.sciencedirect.com





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