“Expert”, “expertise”, voilà des mots qui évoquent pour le sens commun la connaissance, l'expérience professionnelle de haut niveau, l'art de l'analyse et de l'évaluation portés à ce qui se fait de mieux, à l'objectivité, à l'avis très éclairé et peu contestable tant il est pétri d'exactitude et de vérité. Ce n'est hélas pas toujours cette réputation qu'ont l'”expertise psychologique” et l'”expertise psychiatrique” dans la sphère judiciaire. Il suffit d'avoir assisté à quelques querelles d'experts “psy”, qui après avoir expertisé une même personne en font des analyses partiellement ou totalement différentes, pour douter de la validité et de la fiabilité systématiques de ces évaluations. L'expertise “psy” est en crise profonde, ce n'est pas nouveau mais ce n'est pas non plus une fatalité insurmontable. Il faut donc la réformer, la faire évoluer, l'actualiser, la fiabiliser, la moderniser.
Les graves dysfonctionnements de la justice dans l'affaire dite d'Outreau ont fait prendre conscience au grand public du problème des erreurs commises en matière d'expertise “psy” et des dramatiques conséquences humaines que peuvent éventuellement co-générer de telles erreurs. Hélas ces erreurs sont loin de se limiter à ce séisme judiciaire très médiatisé, elles sont anciennes et récurrentes. Aussi une réforme réaliste de l'"expertise psychiatrique” et de l'”expertise psychologique” en France doit être rapidement mise en œuvre [1-3].
Face au manque croissant d'experts psychiatres et à l'évolution prévisible des effectifs de psychiatres (en baisse importante) et de psychologues (en forte hausse) ces deux appellations d'expertise devraient être abandonnées au profit d'un concept unique d'”expertise mentale” réalisée indifféremment par des psychiatres ou par des psychologues sélectionnés comme étant bien formés, professionnellement expérimentés et compétents pour mener à bien ces missions. Ce décloisonnement avec la mise en place de quelques autres grands principes (création d'un consensus clinique et juridique de l'expertise mentale, obligation de formation harmonisée et actualisée des experts, prise en compte de l'expérience professionnelle de terrain des experts, temps passé et périodes opportunes pour réaliser les expertises, revalorisation des actes d'expertise) permettrait de mettre à la disposition de la justice et des justiciables des effectifs suffisants d'experts professionnellement expérimentés et bien formés à la pratique de l'expertise sur l'ensemble du territoire national (métropole et départements et territoires d'Outre-Mer). Cette réforme en décloisonnant les vieux concepts d'”expertise psychiatrique” et d'”expertise psychologique” et en mettant une forte proportion de psychologues experts au service des justiciables pour pallier les carences liées au manque d'experts psychiatres, serait de nature à éviter des préjudices générés dans les affaires dites de premier plan mais aussi plus fréquemment dans l'anonymat des affaires plus courantes. Les psychologues peuvent être une valeur ajoutée pour réaliser cette réforme, cette modernisation, cette actualisation et cette fiabilisation de l'expertise mentale judiciaire sous condition qu'ils soient bien formés [4, 5] et qu'ils aient une expérience professionnelle de terrain importante dans les domaines dans lesquels ils pourraient être sollicités pour réaliser des expertises (auteurs d'infractions, victimes, malades mentaux, etc.).
En conférant ainsi plus de fluidité, d'objectivité et de fiabilité aux évaluations des personnes expertisées, cette réforme pourrait également diminuer le nombre de demandes de contre-expertises ou de sur-expertises qui compliquent, alourdissent et allongent les procédures.
En permettant de mieux rendre compte de la dimension humaine qui est au coeur de chaque “affaire” cette modernisation, cette fiabilisation et cette simplification sur la forme de l'expertise mentale participeraient au développement d'une avancée nouvelle et indispensable dans l'art difficile de rendre la justice. A une époque où l'on a de cesse de vouloir sécuriser de plus en plus de décisions judiciaires en les prenant après expertise(s) ne faut-il pas enfin sécuriser l'expertise elle-même ?…
Cette proposition de réforme, si elle s'avère indispensable en France, pourrait également trouver une très grande utilité dans des pays étrangers à la France, en particulier dans certains Etats membres de l'Union européenne (U.E.). Afin d'harmoniser les pratiques et l'amélioration des niveaux des prestations en matière d'expertise mentale judiciaire, n'est-il pas nécessaire de mettre en place cette proposition de réforme dans l'ensemble de l'U.E. ?
* Communication faîte dans le cadre du colloque international interdisciplinaire francophone « Meurtres d’enfants, enfants meurtriers : approches pluridisciplinaires », 27-28-29 novembre 2008, Université Rennes 2, Haute Bretagne et aux « Entretiens francophones de la psychologie » (Belgique, Suisse, France), Université Paris-Descartes, 3-5 juillet 2008, Paris, France.
Références :
[1] Bouchard J.-P. L’expertise mentale en France entre « pollution de la justice » et devoir d’objectivité. Droit pénal, éditions LexisNexis JurisClasseur, n° 2, février 2006, étude n° 3, 15-16.
[2] Bouchard J.-P. Para uma reforma da perícia psiquiátrica e da perícia psicológica em França (e na União Europeia). In A.C. Fonseca (ed.). Psicologia e Justiça. Coimbra: Nova Almedina. Portugal. 2008.
[3] Bouchard J.-P., Villerbu L. M., Moulin V. et al. Les nouvelles figures de la dangerosité (Actes du colloque international consacré à ce thème à l’Ecole Nationale d’Administration Pénitentiaire, E.N.A.P., Agen, 15-17 janvier 2008). Editions L’Harmattan 2008.
[4] Bouchard J.-P. Proposition de réforme de la formation des psychologues en France et dans l’Union européenne/A proposal for reforming psychologists’ training in France and in the European Union. L’Encéphale, 2008.
[5] Formation des psychologues : Un doctorat en psychologie réformé. Psychologues et psychologies, n° 201-202, 78-80, octobre 2008.
Les graves dysfonctionnements de la justice dans l'affaire dite d'Outreau ont fait prendre conscience au grand public du problème des erreurs commises en matière d'expertise “psy” et des dramatiques conséquences humaines que peuvent éventuellement co-générer de telles erreurs. Hélas ces erreurs sont loin de se limiter à ce séisme judiciaire très médiatisé, elles sont anciennes et récurrentes. Aussi une réforme réaliste de l'"expertise psychiatrique” et de l'”expertise psychologique” en France doit être rapidement mise en œuvre [1-3].
Face au manque croissant d'experts psychiatres et à l'évolution prévisible des effectifs de psychiatres (en baisse importante) et de psychologues (en forte hausse) ces deux appellations d'expertise devraient être abandonnées au profit d'un concept unique d'”expertise mentale” réalisée indifféremment par des psychiatres ou par des psychologues sélectionnés comme étant bien formés, professionnellement expérimentés et compétents pour mener à bien ces missions. Ce décloisonnement avec la mise en place de quelques autres grands principes (création d'un consensus clinique et juridique de l'expertise mentale, obligation de formation harmonisée et actualisée des experts, prise en compte de l'expérience professionnelle de terrain des experts, temps passé et périodes opportunes pour réaliser les expertises, revalorisation des actes d'expertise) permettrait de mettre à la disposition de la justice et des justiciables des effectifs suffisants d'experts professionnellement expérimentés et bien formés à la pratique de l'expertise sur l'ensemble du territoire national (métropole et départements et territoires d'Outre-Mer). Cette réforme en décloisonnant les vieux concepts d'”expertise psychiatrique” et d'”expertise psychologique” et en mettant une forte proportion de psychologues experts au service des justiciables pour pallier les carences liées au manque d'experts psychiatres, serait de nature à éviter des préjudices générés dans les affaires dites de premier plan mais aussi plus fréquemment dans l'anonymat des affaires plus courantes. Les psychologues peuvent être une valeur ajoutée pour réaliser cette réforme, cette modernisation, cette actualisation et cette fiabilisation de l'expertise mentale judiciaire sous condition qu'ils soient bien formés [4, 5] et qu'ils aient une expérience professionnelle de terrain importante dans les domaines dans lesquels ils pourraient être sollicités pour réaliser des expertises (auteurs d'infractions, victimes, malades mentaux, etc.).
En conférant ainsi plus de fluidité, d'objectivité et de fiabilité aux évaluations des personnes expertisées, cette réforme pourrait également diminuer le nombre de demandes de contre-expertises ou de sur-expertises qui compliquent, alourdissent et allongent les procédures.
En permettant de mieux rendre compte de la dimension humaine qui est au coeur de chaque “affaire” cette modernisation, cette fiabilisation et cette simplification sur la forme de l'expertise mentale participeraient au développement d'une avancée nouvelle et indispensable dans l'art difficile de rendre la justice. A une époque où l'on a de cesse de vouloir sécuriser de plus en plus de décisions judiciaires en les prenant après expertise(s) ne faut-il pas enfin sécuriser l'expertise elle-même ?…
Cette proposition de réforme, si elle s'avère indispensable en France, pourrait également trouver une très grande utilité dans des pays étrangers à la France, en particulier dans certains Etats membres de l'Union européenne (U.E.). Afin d'harmoniser les pratiques et l'amélioration des niveaux des prestations en matière d'expertise mentale judiciaire, n'est-il pas nécessaire de mettre en place cette proposition de réforme dans l'ensemble de l'U.E. ?
* Communication faîte dans le cadre du colloque international interdisciplinaire francophone « Meurtres d’enfants, enfants meurtriers : approches pluridisciplinaires », 27-28-29 novembre 2008, Université Rennes 2, Haute Bretagne et aux « Entretiens francophones de la psychologie » (Belgique, Suisse, France), Université Paris-Descartes, 3-5 juillet 2008, Paris, France.
Références :
[1] Bouchard J.-P. L’expertise mentale en France entre « pollution de la justice » et devoir d’objectivité. Droit pénal, éditions LexisNexis JurisClasseur, n° 2, février 2006, étude n° 3, 15-16.
[2] Bouchard J.-P. Para uma reforma da perícia psiquiátrica e da perícia psicológica em França (e na União Europeia). In A.C. Fonseca (ed.). Psicologia e Justiça. Coimbra: Nova Almedina. Portugal. 2008.
[3] Bouchard J.-P., Villerbu L. M., Moulin V. et al. Les nouvelles figures de la dangerosité (Actes du colloque international consacré à ce thème à l’Ecole Nationale d’Administration Pénitentiaire, E.N.A.P., Agen, 15-17 janvier 2008). Editions L’Harmattan 2008.
[4] Bouchard J.-P. Proposition de réforme de la formation des psychologues en France et dans l’Union européenne/A proposal for reforming psychologists’ training in France and in the European Union. L’Encéphale, 2008.
[5] Formation des psychologues : Un doctorat en psychologie réformé. Psychologues et psychologies, n° 201-202, 78-80, octobre 2008.