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GREEN A.: Sortilèges de la séduction. Lectures critiques de Shakespeare. O. Jacob, 2005


Rédigé le Mardi 18 Avril 2006 à 12:15 | Lu 213 commentaire(s)



GREEN A.: Sortilèges de la séduction. Lectures critiques de Shakespeare. O. Jacob, 2005

Paris, O. Jacob, 2005, 169 pages.

Après “ Hamlet et Hamlet ”, André Green continue à nous faire partager ses lectures jubilatoires et interprétatives du théâtre de Shakespeare. Cette fois, le thème des sortilèges de la séduction rassemble comme en un bouquet quatre commentaires éclatants, accompagnés en conclusion par l’énoncé de sa compréhension des sortilèges du théâtre : nous y allons pour être ensorcelés, pris avec délices dans sa séduction, car l’illusion est une nourriture essentielle pour notre psyché. Le travail du théâtre est travail de l’illusion et travail de la langue, microcosme aperçu par la béance de la fente ; il charme comme un philtre ou berce comme le songe des amours interdites.

Le songe d’une nuit d’été met la féerie sur la scène. La scène dans la scène, devenue songe à l’intérieur d’un songe, au long d’une courte nuit dans une Athènes de convention, est une parodie de tragédie “ sublimement métaphorique ”. Charme et humour nous rendent spectateurs d’un monde de mythes, dans la liberté de l’imagination, qui n’exclue pas une ironie discrète mais acérée. L’amour véritable est peut-être bien celui de Pyrame et Thisbé, interdit par les parents, limité à des contacts furtifs, idéalisé et contrarié, frustré dans sa réalisation mais violent dans ses désirs. C’est la défloration qui est évoquée tout au long de la pièce avec Pyrame-Bottom (“ fondement ”) transformé en âne.

L’analyse d’Antoine et Cléopâtre met en évidence l’omniprésence fantasmatique de César dans l’histoire des deux amants. Cette hypothèse lève la perplexité émerveillée que suscite le développement implacable de cette passion amoureuse, dans un contexte historico-politique tendu, jusqu’au dénouement inexorable, le suicide des amants. Malgré ses imprévisibilités, Cléopâtre a sur Antoine une action civilisatrice, mais l’obstacle invisible est pour chacun des deux amants, de façon différente, le fantôme de César. Les partenaires sont poussés au point d’éclatement où s’effondre l’objectif commun : derrière la possession de l’objet, agissait la quête d’une maîtrise idéale toujours mise en échec. La gloire qui fait partie d’eux-mêmes échoue à conjuguer l’illimité avec l’intimité et se heurte aux mirages narcissiques de la guerre amoureuse. C’est au moment de leur disparition que les personnages nous transmettent cette dimension d’infini, pour nous laisser nous aussi dans un état d’avidité frustrée.

À propos de La Tempête, André Green souligne les propriétés de l’île, déserte et pourtant bien peuplée. Et d’abord par Prospero, qui a délaissé son duché au profit de la magie, et va maintenant pouvoir confondre ses ennemis, et marier sa fille Miranda à Ferdinand, fils du suzerain de son frère (celui qui l’a trahi). En parallèle, s’ébroue Caliban et son complot grotesque au rythme des ivresses, ainsi qu’Ariel, longtemps captif. La veine poétique, proclame Shakespeare, prend sa source dans la part la plus primitive de notre nature, insoumise et obstinée, qu’on tente de domestiquer comme si elle n’était que nuisible, et qui est il est vrai, est susceptible aussi de servir les plus mauvais maîtres. Pour Ferdinand, Prospero sert aussi d’éducateur aux rites de l’amour, tandis que son service d’esclavage a valeur initiatique. La grotte de Prospero est aussi la pensée de Shakespeare, l’art de représenter, et il faut aussi sortir de l’île, continent des rêves, pour agir et gouverner, une fois la magie dissipée.

La dernière étude rend compte d’un poème assez peu connu, Le phénix et la colombe, qui célèbre les noces-funérailles de la colombe endeuillée par un veuvage et du phénix qui consent à mourir pour qu’un autre renaisse. L’ambiguïté sexuelle et la question du rapport à la chair habitent ce poème qui célèbre un au-delà de la raison, embrasement d’amour au cœur des paradoxes. André Green relie les vers musicaux célébrant cette consumation mutuelle à la relation entre Shakespeare-Phénix et le “ jeune homme ” inconnu évoqué par les Sonnets. L’art est transfiguration.

Dominique Bourdin (septembre 2005)

Source : Société psychanalytique de Paris



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