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GARCIN E.: Les psychothérapies : une exception culturelle française… à rebours


Rédigé le Mercredi 17 Mars 2004 à 00:00 | Lu 391 commentaire(s)



Après le tollé soulevé par l’amendement Accoyer, c’est le silence sur les psychothérapies. Comme si, dans sa grande sagesse, le Sénat avait trouvé la solution au trouble créé par le texte étourdiment voté à l’Assemblée Nationale. Mais à y regarder de plus près, il pourrait s’avérer que cet apaisement repose en fait sur une magistrale ambiguïté. Comme une sorte d’exception française mais à rebours.


Il était reproché au texte de l’Assemblée Nationale de caricaturer les psychothérapies en les ravalant au rang de « techniques » et d’en faire une activité de type médical. Pour sortir de l’impasse, le Sénat a choisi d’ignorer les psychothérapies qui sont une matière trop périlleuse en préférant statuer sur les « psychothérapeutes ». Ce vocable très usité n’ayant encore aucune existence légale, le Sénat s’est chargé de lui en donner une en instaurant un « titre de psychothérapeute ». Et depuis, soulagement, plus personne ne vocifère. Mais tout le monde a-t-il bien compris de quoi il s’agit ? Sans doute pas.


Les psychothérapeutes sont très contents. Leur profession est enfin reconnue. En effet, le projet de loi crée le titre de psychothérapeute. Mais ces derniers ont-ils compris que la logique du texte du Sénat fait d’eux une nouvelle catégorie d’auxiliaires médicaux ? Sans doute pas. Et pourtant, la mécanique d’emboîtement des textes qui plaçait celui sur les psychothérapies dans le Code de Santé Publique comme activité relevant de l’exercice médical ou de la prescription médicale, va placer les psychothérapeutes toujours dans le Code de Santé Publique mais cette fois au chapitre des professions de santé dans la rubrique … des auxiliaires médicaux !


Les psychanalystes sont plutôt contents. Ils ont été épargnés. Ils sont mentionnés dans le texte, pour dire qu’ils peuvent, sans y être obligés, faire usage du titre de psychothérapeute. Mais ont-ils compris que par l’imparable mécanique des textes, ils deviennent aussi des auxiliaires d’Etat. Sans doute pas. Et pourtant, les présidents des associations de psychanalystes vont avoir la responsabilité légale de produire des « annuaires » , d’établir des listes officielles de leurs membres. Car le texte du Sénat indique que seuls les psychanalystes inscrits sur lesdits annuaires de leur association pourront s’inscrire sur la liste des psychothérapeutes. Système de délégation mettant les associations de psychanalystes dans une position équivalente à celle du représentant de l’Etat – en fait la DDASS - chargé d’enregistrer les inscriptions au registre national des psychothérapeutes.


Les psychologues eux sont plutôt moroses et abattus. Leur titre professionnel instauré par la loi de 1985 est dans le projet du Sénat remplacé par un simple diplôme d’Etat de psychologue … diplôme qui n’existe tout simplement pas ! Mais ont-ils compris que ce diplôme d’Etat faisait implicitement référence à une nouvelle catégorie d’auxiliaires médicaux que le rapport Berlan d’Octobre 2003 sur le « transfert des compétences » se propose de créer sous l’appellation de « psychologue praticien ». Sans doute pas. Non seulement leur « titre de psychologue » n’est pas mentionné, mais il est remplacé par un diplôme qui n’existe pas et qui signe une forme subreptice d’auxiliariat médical.


Le bilan n’est guère encourageant. La protection du public n’est garantie par aucune exigence de qualification. Les psychanalystes se trouvent chargés de mission contraire à leur éthique. Quant aux psychologues et aux psychothérapeutes, les voilà sans façon enrôlés dans la très improbable fonction de supplément d’âme d’une médecine dérivant de l’humanisme vers le technicisme. Quant à l’exercice des psychothérapies, qui dans la plupart des pays européens est associé à la notion de spécialité succédant à un cursus professionnel complet, il est ici considéré comme le premier de formation psy. Celui auquel pourront accéder sans autre formalité les médecins, les psychologues, les psychanalystes, et sans doute au moyen de larges dispenses de cursus tous ceux qui feront usage de la validation des acquis de l’expérience. Une sorte d’exception culturelle française en matière de psy. Mais en fait exception … à rebours.


Tout cela soulève quelques questions. Est-on assuré en haut lieu que tout cela soit vraiment de nature à répondre aux besoins et aux attentes de nos contemporains ? Est-il si naïf de prétendre combiner souplesse et dynamisme statutaire avec protection du public et exigence de qualification ? Est-il absurde de chercher des solutions nouvelles permettant à la collectivité de participer sous conditions au financement de certaines prises en charge de type psychologique, sans pour autant dénaturer des activités qui concourent à la santé sans dépendre de prescriptions médicales.


Emmanuel GARCIN, 16 Mars 2004



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