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G. FOURCHER : Une fédération usurpée

Extraits


Rédigé le Dimanche 25 Avril 2004 à 00:00 | Lu 930 commentaire(s)




1. Un article 10 qui s’égare et égare


Tout le vice de construction des statuts de la Fédération Française des Psychologues et de Psychologie (FFPP) se résume dans l’article 10 qui tient en 3 lignes, alors que cet article aurait dû figurer tout au début des statuts et mériterait plusieurs articles si ce n’est un titre entier.

Tout le reste, le Conseil d’administration fédéral, le Congrès, le Bureau fédéral ne sont qu’un habillage de l’article 10 qui lui, pourtant, reste vague. C’est d’ailleurs uniquement ces 3 lignes qui sont consacrées aux organisations et associations membres ayant une vocation nationale ! Il n’est pas étonnant alors que les associations hésitent à s’engager, que d’autres fassent dissidence.

Ainsi, l’article se borne à déclarer que " la FFPP représente la discipline et la profession auprès des pouvoirs publics, et des organisations européennes et autres organisations internationales, dans le respect de la spécificité et des compétences des organisations membres. Elle peut déléguer une organisation pour la représenter ".

La difficulté majeure réside dans le " respect de la spécificité et des compétences des organisations membres… " sans que toutefois nous sachions quelle est la spécificité et quelles sont les compétences en question ? Et pourtant, leur marge d’autonomie au sein de la fédération repose notamment sur cela - par conséquent, il serait essentiel de les détailler et les faire apparaître dans les statuts et non pas seulement dans un éventuel règlement intérieur.

D’autre part, " pouvoirs publics " est une notion trop large qui demande à être précisée, ainsi que les contacts des organisations : une organisation locale aurait-elle affaire à un préfet de département ou de région, par exemple ? A un recteur d’Académie, à l’Inspecteur départemental de l’Education nationale ? A un président de Conseil général ?

Toujours au sujet des " relations " - qu’en est-il des relations avec les représentants d’autres organisations syndicales ou des présidents d’organisations loi 1901 (pouvoirs privés et non pas publics mais pouvoirs quand même...) ?

Plus loin, comment se ferait la délégation ? Y a-t-il plusieurs sortes de délégation ?

Avant toute chose, il faudrait effectuer d’abord une analyse des pratiques et un inventaire des relations publiques.


2. Un mésusage de la déontologie

Placer la fédération sous la référence au code de déontologie, c’est demander trop à la déontologie. Cette dernière a pour but de guider la pratique et la responsabilité individuelles, non pas d’organiser l’équilibre des pouvoirs dans une institution !

Il y a confusion grave entre la responsabilité individuelle des personnes physiques et la responsabilité de la personne morale !

La personne morale doit être dotée de principes spécifiques : la représentation, la participation, la subsidiarité - qui doivent figurer en bonne place dans les statuts, notamment à un niveau comparable à la déontologie.

Jusqu’à maintenant, la culture et la pratique associative ou syndicale des psychologues ne reconnaissaient que la représentation.

La représentation est le fait d’élections et de mandats où les membres adhérents délèguent un pouvoir à leur organisation, chargée de les représenter auprès des autorités publiques françaises et européennes. C’est la situation traditionnelle et éprouvée d’organisations historiques, le quinquagénaire Syndicat national des psychologues (S.N.P), la centenaire Société française de psychologie (S.F.P).

Outre cette représentation démocratique classique, les psychologues s’attachent tout autant à une démocratie participative et recherchent un service de proximité... Le meilleur exemple en est les Collèges des psychologues, ces regroupements spontanés, sui generis, de psychologues d’un même établissement hospitalier qui existent à certains endroits depuis une vingtaine d’années, organisés sous forme associative, regroupant de quelques membres jusqu’à des dizaines. Leur démocratie est représentative, mais surtout participative. C’est la démocratie de proximité. Alors que dans la démocratie représentative, les psychologues se tournent vers l’extérieur, dans la démocratie participative, ils se tournent vers eux-mêmes.

C’est pourquoi les organisations locales sont à représenter au niveau de la fédération en respectant leur vie et leur vocation propre qui est d’animation locale associative ou collégiale ou d’action spécialisée, la commission nationale consultative de déontologie des psychologues (C.N.C.D.P) par exemple. Car une organisation locale assure mieux une permanence et une présence sur le terrain qu’un organe central avec des missi dominici. Ce qui nous introduit à la subsidiarité.

Cette dernière est à la base des rapports entre les organisations-membres et la fédération. Elle détermine quelle organisation - soit l’organisation-membre soit la fédération - est mieux placée dans telle ou telle circonstance pour agir.

Les organisations historiques ou généralistes ont à se défaire de celles de leurs prérogatives et attributions qui peuvent être mieux assurées localement ou régionalement, et, pour d’autres, à les transférer vers un pot commun, une instance supérieure qui sera reconnue d’une efficacité plus grande. Cette instance élue - qui reste à inventer - définit la politique générale de la fédération.

Les statuts actuels démontrent un déséquilibre patent entre la base et le sommet.

Il faut un système qui soit lisible par tout le monde et qui se fonde sur cet équilibre entre la base et le sommet.

Plutôt que de créer un appareil a priori et de voir ensuite quelles tâches et compétences lui seront dévolues, il sera pertinent d’inventorier les missions, et d’examiner qui, a posteriori, est le mieux à même, à tel endroit, à tel moment, de les remplir.

Des modes d’élection simples et lisibles seront recherchés, échappant aux superpositions d’appareils et à l’illusion de représenter tout et tout le monde. Car, à l’inverse, la participation crée un sentiment d’appartenance et d’être écouté ; elle peut enrayer l’escalade d’une demande toujours plus exigeante d’une représentation sans doute universelle mais abstraite.

D’autre part, les rapports entre le SNP et les autres organisations et l’organisation centrale doivent faire l’objet d’un traitement spécifique puisqu’il s’agit de droit syndical combiné à du droit associatif. Là aussi, voir en termes de subsidiarité comme point de départ.


3. Une construction juridique approximative

Tout d’abord, une remarque : Que viennent faire les journées de formation (article 13 - Congrès de formation) dans un Titre IV, consacré aux instances de la fédération ?

En ce qui concerne le Bureau, n’y aurait-il pas avantage à avoir un Bureau restreint ne dépassant 5 personnes afin de faciliter des concertations téléphoniques puisqu’il " gère au quotidien l'activité de la FFPP " ? Et un Bureau fédéral élargi à 9 - 12 pour des séances plénières dont les objets seraient préalablement définis ?

Plutôt qu’un représentant de l’éthique, pourquoi ne pas proposer des représentants des grands types d’exercice privé, public, libéral ? Dans le même ordre de remarques, la répartition des " portefeuilles " au sein du Bureau est instructive. Il y aurait lieu de " laïciser " le bureau et peut-être d’y mettre des membres permanents (comme en Allemagne). En quoi une formation de psychologue donne-t-elle compétence à être trésorier ou de gérer la communication ? Pourquoi pas un laïc rémunéré à cette place ?

Pour ce qui est de la CNCDP (Commission nationale consultative de Déontologie des psychologues), il est évident que l’éthique et la déontologie requièrent une indépendance, une pensée longue et une décision lente qui ont peu à faire dans un organe exécutif décisionnel. Le temps de la réflexion éthique et le temps de la décision exécutive sont différents.


4. Un temps pour présider et un temps pour gérer

Quelles sont leurs attributions respectives au sein du bureau ?

De quoi le secrétaire général est-il secrétaire général ?

Le président de la fédération doit-il se mêler de la " gestion du quotidien " ? Ne faudrait-il pas plutôt qu’il prenne ses distances et gère uniquement quelques grands dossiers ? Ne devrait-il pas être au-dessus de la mêlée ou à côté, le représentant ou le garant (mot qui fait florès !) de l’unité de la fédération alors que les nécessités de l’action sont fatalement source de divisions ? Ce rôle majeur de représentation (neutre et bienveillante) doit être défini de sorte que le poste soit occupé par une personnalité pourvue d’une certaine notoriété et non dépourvue de talents diplomatiques.

Ceci notamment du fait que le président représente la capacité de la fédération à se dégager des appartenances d’origine qu’il s’agisse de secteurs public, privé ou libéral, mais aussi d’appartenance d’orientations ou d’obédiences.


5. De la Santé à l’Education : un choc des cultures

L’histoire nous montre qu’aussi longtemps que le SNP a été une organisation à l’échelle de quelques centaines à un millier d’adhérents et centré principalement sur la santé publique, une certaine cohésion a précédé les statuts, voire a suppléé à leurs insuffisances. C’était alors l’époque familiale ou des arrangements entre amis. La réussite de l’action portée par quelques-uns a pu souvent s’apparenter au miracle. Cette époque est révolue.

Il faut désormais accueillir plusieurs milliers d’adhérents. La Fédération en est à 4 000 membres environ et même en ayant 10 000, cela ne représenterait qu’un tiers, voir qu’un quart de l’effectif de la profession. Le nombre de psychologues a considérablement augmenté, ceci en concordance ou suite à d’autres développements plus importants encore - de nouveaux secteurs d’activité, d’autres modes d’exercice (le libéral notamment, qui sort de la confidentialité) et d’autres organisations aux statuts disparates.

C’est la psychologie elle-même qui, depuis quelques années, démultipliée à l’infini, a changé d’échelle.

Et en face de tels changements que voit-on ? Une fédération qui en dépit de cela, reconduit, répète l’ancien modèle (SNP, SFP) - il n’y a que l’appellation qui change. C’est son écueil majeur : d’identifier la fédération à l’une ou l’autre de ses composantes !

Et pourtant, un changement a bien eu lieu, notamment au niveau de deux rapprochements : le rapprochement entre le SNP et l’université (SFP, AEPU) d’une part, et le rapprochement entre le SNP et la psychologie scolaire d’autre part. Le premier rapprochement s’est illustré à l’occasion des Etats généraux de la psychologie de 2001, le second avec l’intégration du SPEN dans le SNP.

Ces deux faits signent l’arrivée de la Fonction publique d’Etat (ministère de l’Education nationale) auprès de la Fonction publique hospitalière (ministère de la Santé) jusque-là dominante au travers du SNP.

Et à travers cela, un autre mode de relations : le ministère de l’Education a une tradition de relations pyramidales dans ses relations internes, tandis que le ministère de la Santé et la direction des hôpitaux ont eu à faire face à des établissements de santé autonomes dans la gestion des personnels. Les modèles culturels de ce dernier pèsent encore aujourd’hui au niveau de la construction de la profession.

L’expression la plus récente de ces développements se retrouve d’ailleurs dans la constitution du bureau provisoire de la fédération : le SNP dont le noyau historique est la santé est devancé par l’éducation qui relève de la fonction publique d’Etat. Cette évolution marque l’aboutissement d’un rapprochement entre l’université et les praticiens commencé dès avant 1990. En revanche, ce qui reste préoccupant c’est l’assimilation possible entre la fédération et la tendance de son instance exécutive.


6. De la diversité à la dispersion

Une décentralisation (ou une déconcentration) est certes nécessaire, mais la lecture des statuts propose plutôt une dispersion, une foule de critères hétéroclites.

D’abord autour de l’adhésion - pourquoi les individus adhéreraient-ils à une organisation s’ils peuvent accéder directement à la Fédération ? La Fédération organise donc elle-même la concurrence qu’elle aura à gérer ensuite...

Et de l’autre côté, pourquoi les individus paieraient-ils une cotisation élevée à la Fédération alors qu’ils peuvent cotiser à un prix bien plus modeste au niveau des Collèges par exemple dont ils ont l’habitude et au niveau d’autres associations qui assurent la défense de la profession au niveau local, voire régional ?

Trouver un équilibre entre la représentation et la participation est essentiel. Il faut instituer une partie fixe et une partie mobile : des organes virtuels et susceptibles d’être activés, des délégations par mission et dossier, limités dans l’espace et dans le temps. Il s’agit de sortir d’attributions et d’appareils rigides, fixés une fois pour toutes. Il s’agit de combiner au mieux l’unité, la diversité, la souplesse de fonctionnement dans un monde lui-même mobile, tout en permettant un contrôle démocratique. Bref, des prémisses nouvelles.

Il n’y a pas lieu de regretter l’organisation unique ou autre centralisme démocratique, qui aurait eu pour effet de déclencher, à terme et par réaction, un nouveau pullulement d’organisations.

La fédération se donne pour but de " rassembler " la dispersion. On peut aussi penser que c’est la dispersion qui l’emportera sur le rassemblement car elle touche aussi bien la constitution formelle que les contenus. La dispersion pourrait avoir pour effet d’entraîner la nécessité d’un exécutif fort faisant le lit de l’autoritarisme. L’équilibre entre la base et le sommet est-il bien le bon ?


7. Un monopole organisationnel improbable

Il n’est pas certain que la profession puisse être gérée par une seule organisation principale, fût-elle une organisation d’organisations.

Une autre architecture, dans une autre logique pourrait tout à fait être pensée - où une même organisation n’aurait pas tous les rôles et ne toucherait pas les mêmes interlocuteurs.

D’autres organes ou organisations pourraient être mises en place comme :

- Une conférence des représentants de collèges des hôpitaux.
- Un organe interministériel ou conseil supérieur des psychologues ou autre appellation.
- Une CNCDP réformée et indépendante de toute organisation et toute instance, en vue de recenser les pratiques, les litiges sur le mode du contradictoire, fournir un avis sur les pratiques après analyse...
- Peut-être un ordre professionnel, en définissant au préalable l’exercice professionnel. Ce dernier point suppose une réflexion particulièrement complexe à mener.

Certes, il faut du courage pour se priver d’un pouvoir unique, idéalisé, uniforme. Mais, justement, le psychologue s’appuie sur ce dont il se prive. Seul moyen pour créer les conditions d’une négativité, d’une ouverture, d’une dialectique. Il serait judicieux que cela se traduisît aussi dans l’organisation de la profession.



Extraits recueillis par Mme Senja STIRN, avec l’aimable collaboration de l’auteur, M. Gérard FOURCHER *, à partir de ses écrits et publications :

Projet de statuts de la Fédération. Commentaires. Mars 2001.
Remarques décousues et perspectives erratiques sur l’état et le développement de la profession. Juillet 2002.
Psychologues et Psychologie. Etat des lieux de la profession.
Organisation de la profession. Commentaires II. Juillet 2002.
Organisation de la profession. Commentaires IV. Juillet 2002.
Qu’est-ce qu’une Fédération de psychologues ? In Journal des psychologues, mars 2003.
Créer un Livre IV bis, " Psychologues " au Code de la Santé ? In Journal des psychologues, juin 2003.
Le 15 juin 2003


* Gérard FOURCHER :
Psychologue au centre hospitalier de Cholet
Chargé d’enseignement à l’Institut de psychologie et de sociologie appliquées (UCO, Angers)
Docteur en philosophie
Membre du groupe rédactionnel du Code de déontologie des psychologues



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