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Europe, formation et organisation(s) des psychologues, R. SABOURAL


Rédigé le Mercredi 28 Avril 2004 à 00:00 | Lu 1943 commentaire(s)




Point de vue : Europe, formation et organisation(s) des psychologues


Par René Saboural

Avec la collaboration d’Adela Bande-Alcantud, Monique Utrilla-Gottis, Victor Rodriguez


En mars 2001 se tenaient à Paris les États généraux de la Psychologie, en avril 2004 se tiendront les Entretiens de la psychologie.
La promotion de ces deux manifestations est assurée par une équipe que l’on retrouve au sein de la Fédération Française des Psychologues et de la Psychologie (FFPP). Elle représente la composante nationale de la Fédération Européenne des Associations de Psychologues (EFPA).

Actuellement cette mouvance privilégie quatre axes de travail :

1 - parvenir à l’organisation « unique » et « forte » des psychologues et, par voie de conséquence, « être le seul interlocuteur des pouvoirs publics »,

2 - organiser le diplôme européen de psychologue (DEP) selon « trois champs », plutôt que « spécialités » : santé-social, éducation-formation et travail-organisations,

3- mettre en place une « spécialisation » ou « certificat de psychothérapie pour les psychologues européens » (post gradués). Ce certificat fait l’enjeu d’une lutte avec la Fédération Européenne des Psychothérapeutes et ses représentants français. Cette dernière cherche à obtenir la reconnaissance d’un titre et d’un diplôme de psychothérapeute, au niveau européen et national.

4- une volonté d’être l’instance d’accréditation des universités qui organiseront le DEP. Et par la suite, selon leur vœu, de délivrer une « accréditation personnelle » aux nouveaux diplômés, qui « au bout de cinq ans, devra être renouvelée ». (1)


Ce mouvement s’articule avec le grand chantier européen d’harmonisation des diplômes, le LMD, dont l’application pose problème dans la mesure où le Master est un diplôme de 2° cycle qui verrait disparaître la coexistence actuelle d’une filière recherche avec la filière professionnelle (DESS) au sein du 3° cycle à la française.

Le groupe EFPA est animé par une grande détermination ; il se dit « optimiste quant à l’issue du processus qu’il (a) engagé ». Il s’en donne les moyens en se constituant en ONG, pour être incontournable. En effet, ce statut rend sa consultation par l’Union Européenne obligatoire.
Un important travail de lobbying à Bruxelles et le sentiment que la voie est ouverte justifient cet enthousiasme : « Puisque l’Union Européenne ne semble pas régir la profession, c’est à nous de le faire », ou encore « La Commission (…) a déjà indiqué qu’elle ne souhaitait pas imposer de directives relatives à la formation des psychologues. Dès lors l’EFPA peut mettre en place un diplôme (…) qu’elle s’engage à garantir. Un projet est déjà prêt dans ses dossiers… » disait M. Tikkanen aux États généraux de la Psychologie. De plus, ajoutait-il, « l’EFPA a déjà décidé, depuis 1997, des critères de la formation de psychothérapeute qui seront nécessaires pour que les psychologues puissent la pratiquer ».
D’autres professions se plaignent des normes imposées par Bruxelles !
En conclusion de son intervention M. Tikkanen réclamait une reconnaissance, « un statut identique à celui de la profession médicale ».

Pour l’EFPA, le DEP sera organisé en 6 ans dont une année de pratique professionnelle supervisée. C’est ce que l’AEPU (2) et la FFPP négocient actuellement avec le Ministère de l’Éducation Nationale. Quant au certificat de psychothérapie pour les psychologues européens, « selon les critères définis par l’EFPA, il s’agit d’une formation (post graduée) théorique en 4 ans, plus une formation pratique ».
Il était important de souligner cette volonté d’uniformisation qui anime l’organisation EFPA. Actuellement, cette tendance concerne surtout les pays du Nord de l’Europe. (3) Les pays du sud comme l’Italie et l’Espagne ont adopté une organisation ordinale de la profession.

Dans ce contexte européen, s’arrêter sur quelques cas particuliers comme celui de l’Espagne dont on a peut-être moins parlé que de l’Italie, permet de montrer comment, à l’inverse, le génie de chaque pays règle les questions posées par l’exercice de notre profession.
Sans que nous en fassions notre modèle.

Cependant, s’il existe d’autres modèles nationaux, d’autres propositions peuvent aussi émerger. Récemment en France, par exemple, R.Gori qui appartient au SIUERPP a soutenu un modèle à l’italienne. Il comprend une formation post graduée en Psychologie Clinique après un diplôme universitaire à Bac + 5 pour les psychologues (Bac + 6 pour les médecins).
Cette formation en 4 ans, serait sanctionnée par le titre de « spécialiste en psychologie clinique ». En Italie « ce titre permet l’inscription sur une liste de psychothérapeutes » tenue par l’ordre des psychologues (ou des médecins). Cet enseignement est dispensé par les Facultés de Psychologie et de Médecine (en majorité), avec un « projet de regroupement des études » et de tronc commun d’un an. La dernière année est « axée sur les techniques de la psychothérapie ». Des « stages en responsabilité clinique » (« internat ») jalonnent cette spécialisation.

L’organisation et la formation espagnoles

Un petit groupe a travaillé à la traduction de 2 textes espagnols (4):

- les statuts du Collège Officiel des Psychologues (COP) - Décret royal du 18 mars 1999
- le titre de Psychologue spécialiste en Psychologie clinique - Décret royal du 20 novembre 1998
Je donne ici le point de vue tiré de ce travail.


Le Collège Officiel des Psychologues, en Espagne

Le COP, créé par l’État espagnol par décret royal du 18 mars 1999 est défini comme une « corporation de droit public », ayant la « personnalité juridique ». C’est une organisation « corporatiste d’état », héritage des corporations d’artisans et de l’ancien régime.
Sa conception est proche de ce que nous entendons par « ordre professionnel » mais, organisme d’État, il cumule de plus nombreuses fonctions : la représentation et la défense de la profession, la défense des intérêts de ses membres et des « usagers », l’organisation de la formation, un rôle consultatif et de force de proposition réglementaire, la promotion et le développement scientifique, l’organisation de l’expertise judiciaire et le contrôle du niveau de qualification et de prestation de ses membres... Il est une instance disciplinaire : il inscrit, édicte des règles, sanctionne et peut radier. Il peut aussi décerner des distinctions et des prix.

* Affiliation et cotisation sont obligatoires pour exercer : « Ordre d’État », le COP regroupe tous les psychologues, quels que soient la spécialité et le mode d’exercice. Seuls les fonctionnaires sont dispensés de cette « incorporation ». Les adhérents reçoivent un numéro d’inscription. Ils doivent être titulaires de la « Licence de psychologie » (bac +5)

* Organisation collégiale nationale : mais le COP est organisé en 18 « délégations » correspondant au système espagnol décentralisé des communautés autonomes. Chaque « délégation » a son règlement propre et ses élus.
Les élections désignant « l’Assemblée de Gouvernement », nationale, sont organisées à l‘échelon régional et les membres du collège sont inscrits et votent dans la délégation du lieu d’exercice professionnel principal. De plus, chaque « délégation » territoriale possède son « assemblée rectrice ».

* Instance de contrôle de l’exercice professionnel, le COP veille au respect de la déontologie, à la qualité des prestations offertes par ses membres, à l’obligation de perfectionnement, qu’il organise. Il fait respecter par ses membres les lois générales et particulières, ses statuts propres et les règles adoptées.
Il a un pouvoir disciplinaire et dispose d’une échelle de sanctions incluant la radiation, qui entraîne l’interdiction d’exercer. Le système disciplinaire s’exerce à 2 niveaux, la sanction est prononcée par l’échelon local et national.
L’administration publique lui confie la protection de l’usager.

* Défense des intérêts et représentation de ses membres, tant collective qu’individuelle : Il peut se porter partie civile. Il favorise l’adoption de mesures empêchant l’exercice illégal de la psychologie. Il régule les relations entre ses membres.

* La formation est aussi de sa compétence : Il intervient au niveau de l’organisation et du contenu. Il organise et contrôle la formation continue, qui est une obligation pour ses membres.

* Le COP a un droit de pétition et de proposition de réformes législatives.

* Collaboration avec l’administration. Le COP facilite l’intervention de ses membres qui peuvent être sollicités et doivent collaborer, en qualité d‘experts, avec la justice. Il collabore avec les autres collèges professionnels.

* Représentation et diffusion : représentant de la discipline et de la profession au plan international, il s’assure que la diffusion des recherches, au profit de la corporation, est bien effectuée. Il exerce un contrôle sur le matériel spécifique comme les tests.

* Le Code de déontologie garantit l’autonomie professionnelle, le secret professionnel, le respect de l’autonomie, de la liberté et de la dignité de « l’usager ».

* Les moyens : Le COP a un budget propre (cotisations, subventions, dons…). L’administration met à sa disposition des moyens matériels.

Le titre de Psychologue spécialiste en psychologie clinique

Le diplôme de spécialiste en psychologie clinique, diplôme « post gradué » de création récente est accessible aux titulaires d’un diplôme de psychologie (formation initiale bac +5) ou d’un diplôme homologué (Licence de philosophie, sciences de l’éducation, lettres avec mention psychologie) ou d’un diplôme déclaré équivalent. La formation et l’accréditation passent par un enseignement « résidentiel » (internat) en institutions ou services accrédités par les Ministères de l’Éducation et de la Santé. Le modèle a été repris et « transposé de la formation aux spécialités médicales et pharmaceutiques ».
Le titre est délivré par le Ministère de l’Éducation et de la Culture. Sa création est « destinée à faire face aux besoins croissants du système sanitaire dans le secteur de la santé mentale ». Il a été créé « sans que cela suppose une modification des systèmes en vigueur pour accéder au titre de médecin et pharmacien spécialiste ». Dans le corps du décret, il est répété que le psychologue spécialisé exerce sans que cela puisse nuire à ces spécialités.
Ce titre a été créé pour désigner « les psychologues spécialistes en psychologie clinique qui occuperont des postes de travail en établissements ou institutions publiques ».
Le programme de la formation de la spécialité est approuvé conjointement par le Ministère de l’Éducation, sur proposition de la Commission Nationale de la Spécialité de Psychologie Clinique, et après information du Ministère de la Santé. Cette Commission, au sein du COP, est un organe consultatif du Ministère de l’Éducation et de la Santé. Pour son fonctionnement, elle reçoit l’appui du Ministère de la Santé.
Composition de la Commission de Spécialité : 3 représentants des psychologues spécialisés en psychologie clinique, désignés par le Ministère de la Santé, 3 représentants des enseignants désignés par le Ministère de l’Éducation, 2 représentants des groupements et sociétés scientifiques de ce domaine, 2 représentants des « résidents » de la spécialité, un représentant du COP. Le renouvellement des représentants a lieu tous les 4 ans (2 ans pour les internes).
Il s’agit donc de la mise en place d’une spécialité qui glisse vers le médical ; la formation est dispensée en institution de soins. C’est la modalité particulière d’intégration des psychologues dans le système de santé. Le titre de Psychologue donnant par ailleurs la possibilité d’exercer dans tous les domaines.

La Commission de Spécialité :

- propose le programme de la formation aux Ministères qui l’approuvent
- informe les unités de formation des conditions de leur accréditation
- renseigne sur l’offre de places d’internat et les nouveaux lieux agréés
- informe et propose les modalités de qualification finale et de délivrance du titre. (5)

Il faut noter que l’Espagne n’a pas choisi de mettre en place un titre de Psychothérapeute. Mais il existe une fédération d’associations de psychothérapeutes qui se préoccupe des formations et des critères d’autorégulation.
Le courant psychanalytique occupe une place importante en Espagne.


A l’été 2001, en France, les psychologues commençaient à prendre connaissance du Rapport de la mission Piel-Roelandt, commandé par le Ministère de la Santé, dont on oublie parfois le titre complet : « De la Psychiatrie vers la Santé Mentale ».

Ce document offrait aux psychologues de nombreuses surprises. Nous y apprenions par exemple que, « par (notre) formation de base » nous étions supposés être « compétents pour appliquer les techniques psychothérapiques ». En même temps il portait un jugement sévère, « critiquant notre formation pratique », et « l’utilisation du 1/3 temps » de recherche qui lui paraissait opaque, selon l’expression en vogue. Le travail du psychologue sur prescription, sous le prétexte d’écarter les pathologies organiques, était également retenu.
Ce rapport envisageait, pour notre profession, quelques remèdes comme « l’intégration et la formation hospitalière » ; il faisait référence au modèle de « formation des Psychologues cliniciens espagnols (internat) ».

Parallèlement le groupe de travail « Évolution des métiers en Santé Mentale » commençait à diffuser ses rapports d’étape, ses « recommandations relatives à la prise en charge de la souffrance psychique jusqu’au trouble mental caractérisé ». Ce groupe, qui réunissait divers professionnels, évoquait déjà la nécessité « de relativiser les demandes personnelles (de psychothérapie) des patients », de « remédier aux difficultés liées à la recrudescence des « prescriptions » de psychothérapie émanant de professionnels du champ social… ». Ce document réclamait aussi une « clarification de l’organisation de la profession, une meilleure lisibilité » des diplômes. Il souhaitait que soient « précisés les modes d’intervention » et demandait « un renforcement du contenu des formations », notamment pratiques. Ces dernières recommandations, thème récurrent introduit par Piel et Roelandt, supposent que nos formations complémentaires, particulièrement la formation psychanalytique, sont ignorées ou dérangent et en tous cas ne sont pas prises en compte.

L’hiver 2001-2002 a vu apparaître les premières manifestations d’inquiétude au sein de notre profession (par exemple : création du Collectif National des Psychologues de la FPH d’où est issu le Réseau National Psychologues).

Le travail législatif se poursuivait parallèlement, aboutissant à la Loi Kouchner dite « Droits des malades ». Ce travail a été l’occasion de débats sur la réglementation des psychothérapies, sur le financement des actes des psychologues (cf. les réseaux de santé). Le parlement instituait « La liste officielle de la profession », dite liste ADELI 2. Perçue alors comme un moyen de défendre et de promouvoir la profession, elle faisait écrire, au SNP : « La liste officielle est en voie de légalisation, le gouvernement prend en compte les psychologues ! »
Enfin il se passait quelque chose, la suite n’allait pas nous décevoir !

Fin 2002, nous prenions connaissance du rapport Berland « Démographie des professions de santé » qui prône une « redéfinition des contours des métiers » et « la mise en place du partage des tâches » par délégation. Il annonçait la division entre fonction d’expertise et exécution « d’actes techniques ».

En 2003, nous découvrions le Rapport Clery-Melin et le parlement votait à l’unanimité l’amendement Accoyer aménagé au Sénat par Giraud-Mattei .

Il est nécessaire de confronter ces modèles de formation et d’organisation de la profession « européen », italien et espagnol, et de les lire sur cette toile de fond.


(1) On peut trouver des informations complémentaires notamment dans le « Journal des psychologues » qui a mené une série d’enquêtes sur la formation et le titre de psychothérapeute en Europe (n° de juillet août 2002) et dressé un panorama de la formation initiale et de la qualification des psychologues européens, suivi d’un aperçu de la formation et du titre de Psychologue clinicien (n° de septembre 2002)
D'autres documents sont accessibles sur internet : travaux du groupe Europsy autour de la EFPA et de son chef de file pour l’Europe Tuomo Tikkanen ou, pour la France, de responsables de la FFPP comme R Lecuyer, P Cohen et O Bourguignon
cf. aussi le de l’AEPU

(2) AEPU Association des Enseignants en Psychologie de l’Université.

(3) Les pays du sud comme l’Italie et l’Espagne ont adopté une organisation ordinale de la profession. Restait l’exception française : La France n’avait choisi ni l’organisation unique des psychologues ni l’ordre des psychologues…

(4) Groupe de travail composé de Adela Bande-Alcantud, Monique Utrilla-Gottis, Victor Rodriguez et René Saboural

(5) Le texte énumère ensuite une série de dispositions supplémentaires : homologation des titres étrangers donnant accès à la formation, équivalences au titre de spécialiste, garanties de non préjudice aux médecins spécialistes… quand les psychologues cliniciens interviennent dans le champ de la pathologie mentale…
Suivent les dispositions transitoires : pour les psychologues en exercice au moment de la publication de ce décret, pour les psychologues en formation de spécialité en Psychologie clinique par contrat ou bourse
Le texte fixe la durée d’exercice nécessaire pour donner droit aux psychologues : à la délivrance directe du titre de spécialiste (plus de 3 ans), à la délivrance du titre après un complément de formation, à la délivrance du titre aux enseignants de la spécialité sous conditions de durée.
Sont énoncées les modalités pratiques (demandes, démarches, documents, preuves, attestations, …)
Ces mesures transitoires entrent en vigueur 3 mois après la parution du décret. Elles ont une validité de 6 mois après l’application.



Source : Association des Psychologues Freudiens
Avril 2004




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