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Les recours aux soins spécialisés en santé mentale, DRESS, Min. santé, n° 533, nov. 2006


Rédigé le Vendredi 19 Janvier 2007 à 02:42 | Lu 410 commentaire(s)



Le recours aux soins spécialisés en santé mentale est appréhendé par l’enquête santé de l’INSEE en 2003 à travers la déclaration que font les personnes d’avoir consulté un psychiatre, un psychologue ou un psychanalyste, ou d’avoir été hospitalisées dans un service de psychiatrie. Trois dimensions de la santé mentale sont ici prises en compte pour les caractériser: avoir déclaré un trouble psychique, avoir recouru à une consultation non programmée «pour le moral» et enfin connaître des difficultés sociales. Neuf consultants sur dix se sont adressés à un seul des trois spécialistes en santé mentale considérés. Ce sont en majorité des femmes (70%) et dans plus de la moitié des cas des personnes seules.

Ce recours est le plus souvent motivé par un trouble psychique avec une propension plus forte à consulter quand le niveau de formation des enquêtés est élevé.

Cependant, les caractéristiques des patients sont différentes selon les praticiens. Les psychiatres reçoivent surtout des adultes en forte détresse psychique et aux parcours professionnels perturbés, mais avec des caractéristiques assez diversifiées du point de vue socioprofessionnel.

u|La clientèle des psychologues]u est pour moitié composée de jeunes de moins de 20 ans, qui présentent souvent des troubles psychiques et physiologiques associés.

Les personnes qui consultent un psychanalyste, bien qu’elles aient un niveau de formation plus élevé que la moyenne, sont plus difficiles à cerner dans la mesure où leur rythme de consultation déclaré ne correspond pas aux standards de la cure analytique.

Enfin, celles qui ont été hospitalisées en psychiatrie cumulent de lourdes difficultés sociales et un important recours aux soins non psychiatriques.

François CHAPIREAU
Ministère de l’Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement
Ministère de la Santé et des Solidarités
DREES


Les recours aux soins spécialisés en santé mentale


L’ENQUÊTE décennale santé de l’INSEE, réalisée en 2003, permet d’étudier les recours aux soins déclarés par les personnes qui ont dit avoir consulté un psychiatre, un psychologue ou un psychanalyste, ou encore avoir été hospitalisées dans un service spécialisé en psychiatrie (encadrés 1, 2 et 3). L’étude s’attache à identifier les caractéristiques spécifiques aux personnes qui exercent ces divers types de recours. Celles-ci sont confrontées à « trois critères permettant de mesurer la santé mentale : la présence d’un diagnostic, la détresse psychologique, le fonctionnement social»1 (encadré 4).

Le diagnostic est déduit de la déclaration d’un trouble psychique; la détresse psychologique est approchée par le recours à au moins une consultation non programmée «parce que cela n’allait pas bien moralement », quel que soit le praticien sollicité (spécialiste ou généraliste); enfin, les problèmes sociaux sont saisis au travers de la situation sur le marché du travail et des difficultés dans la vie quotidienne. Deux types de régressions logistiques permettent d’estimer le poids de divers facteurs qui interviennent dans la propension à recourir aux soins spécialisés « toutes choses égales par ailleurs ». Le premier envisage seulement les trois dimensions de la santé mentale citées précédemment, c’est le modèle simple; le second (modèle complexe) inclut des caractéristiques plus nombreuses, notamment, les autres troubles de santé, la vie de couple ou son absence, la catégorie socioprofessionnelle…

1. KOVESS V., LESAGE A., BOIGUÉRIN B., FOURNIER L., LOPEZ A., OUELLET A., 2001, Planification et évaluation des besoins en santé mentale, Paris, Flammarion.


Extraits :

Les personnes qui recourent aux professionnels spécialisés en santé mentale : surtout des femmes qui ne vivent pas en couple


L’ensemble des personnes qui déclarent avoir consulté un psychiatre, un psychologue ou un psychanalyste pendant la durée de l’enquête (huit semaines) est proche de 1 200 000, et représente ainsi 2 % de la population (tableau 1). Près de neuf personnes qui ont consulté sur dix (87%) n’ont rencontré qu’un seul de ces trois types de professionnels. Le reste cumule souvent les trois types de recours à un professionnel spécialisé. Le nombre moyen de consultations est, quant à lui, voisin de 2 durant la période de l’enquête.

Les trois dimensions de la santé mentale (diagnostic, détresse et difficultés sociales) se retrouvent chez les personnes déclarant un recours spécialisé (tableau 2). Six consultants en santé mentale sur dix ont déclaré souffrir d’un trouble psychique. Le recours aux soins
non programmés «pour le moral» est dix fois plus fréquent chez les personnes ayant recours aux soins spécialisés en santé mentale que chez les autres. Cela souligne une détresse psychologique active et l’importance des soins non programmés face à cette difficulté (dans six cas sur dix, le praticien sollicité est un généraliste)2. Enfin, les difficultés dans la vie quotidienne sont lourdes: une personne sur quatre est limitée depuis au moins six mois dans ses activités courantes pour raison de santé, contre en moyenne une sur huit en population générale (tableau 2).

Pour autant, les trois dimensions de la santé mentale ne sont pas spécifiques aux personnes qui s’adressent aux soins spécialisés. Dans la population générale, parmi les personnes ayant déclaré un trouble psychique, seule une sur quatre (23 %) a eu recours à un professionnel spécialisé. Inversement, également un quart des personnes déclarant une consultation auprès d’un professionnel spécialisé en santé mentale se retrouve parmi celles qui ont eu recours à une consultation non programmée « pour le moral ». Quant aux personnes souffrant de difficultés graves dans la vie quotidienne, moins d’une sur dix (7 %) a eu recours à des soins spécialisés de santé mentale pendant l’enquête, car bien d’autres motifs sont susceptibles de provoquer des difficultés importantes dans les activités courantes.

D’autres caractéristiques notables apparaissent parmi les personnes ayant recours aux soins spécialisés en santé mentale. Il s’agit d’abord de la grande proportion de femmes (70 %), mais surtout du fait que ces personnes vivent plus rarement en couple (seulement 46% parmi les adultes âgés de 18 ans ou plus) que la population générale (68%), que ce soit en raison d’un célibat ou suite à un veuvage ou à un divorce. Enfin, les personnes qui ont recours aux soins spécialisés de santé mentale ont aussi eu recours à d’autres types de soins plus souvent que la moyenne en France au cours des deux mois d’enquête, qu’il s’agisse des consultations auprès des généralistes ou des spécialistes, voire de l’hospitalisation non psychiatrique.

Globalement, elles perçoivent leur santé nettement moins bonne que ne le fait la population générale, puisque près de 40% d’entre elles déclarent un état général moyen, mauvais ou très mauvais, au lieu de 22% dans l’ensemble de la population.


Le recours aux professionnels spécialisés va de pair avec la conscience d’un trouble psychique, mais aussi avec un niveau scolaire élevé

L’influence respective des trois dimensions de la santé mentale dans le recours aux professionnels spécialisés peut être examinée «toutes choses égales par ailleurs » selon le modèle simple (tableau 3). Le facteur de loin le plus fortement corrélé au recours aux soins spécialisés est la déclaration d’un trouble psychique (OR = 30).

Deux éléments contribuent à cette forte association : d’une part, avoir conscience d’un tel trouble peut conduire à une demande d’aide ou de soins3 mais, d’autre part, la rencontre avec le professionnel modifie la perception des difficultés et encourage à les qualifier de psychiques. Par ordre décroissant d’importance, la détresse psychique est le deuxième facteur qui apparaît lié au recours à un professionnel spécialisé (OR = 3,4). Enfin, parmi les facteurs sociaux, deux éléments jouent en sens contraire : les gênes importantes dans la vie ordinaire4 augmentent de manière significative la probabilité de consulter un professionnel spécialisé (OR = 1,3) ; en revanche, l’absence de diplôme représente un obstacle à l’accès aux professionnels de santé mentale (OR = 0,5). Les personnes ayant acquis un niveau scolaire plus élevé présentent ainsi une propension plus forte à consulter ; réciproquement, l’accessibilité aux soins spécialisés est moins bonne pour les personnes de faible niveau scolaire.

Le modèle complexe (tableau 4) révèle l’importance de la comorbidité, c’est-à-dire de l’association de troubles psychiques et non psychiques : le fait de déclarer une telle association augmente de 60 % la probabilité de consulter un professionnel de santé mentale « toutes choses égales par ailleurs ». Par ailleurs, le fait d’être cadre ou d’exercer une profession intermédiaire augmente nettement la propension à consulter, par rapport aux quatre autres grandes catégories professionnelles retenues.


Les personnes qui consultent des psychiatres : des adultes en forte détresse psychique
et au parcours professionnel très perturbé


Les 509 000 personnes qui déclarent avoir consulté un psychiatre pendant les deux mois de l’enquête (tableau 2) ont participé en moyenne à deux consultations. Il s’agit ici uniquement de soins ambulatoires ; ils ont lieu dans huit cas sur dix au cabinet du praticien, mais peuvent aussi se dérouler à la consultation externe d’un hôpital ou, plus rarement, d’une clinique privée.

La conscience d’un trouble psychique est plus fréquente parmi ces personnes que chez celles qui déclarent avoir consulté un autre professionnel spécialisé. Sans doute, la démarche qui conduit à consulter un médecin psychiatre est-elle spontanément associée avec un trouble psychique, alors que le recours au psychanalyste peut correspondre à un malaise personnel, différent d’un trouble à proprement parler, et que le recours au psychologue peut s’inscrire dans le cadre de difficultés scolaires ou professionnelles.

Un consultant sur cinq témoigne de sa détresse psychologique par le recours à des consultations non programmées « pour le moral ». L’importance majeure de cette dimension de la santé mentale parmi ceux qui ont recours au psychiatre est confirmée « toutes choses égales par ailleurs », par le modèle simple et le modèle complexe.

3. LOVELL A., 2003, Étude sur la surveillance dans le champ de la santé mentale, Rapport final, Institut de veille sanitaire.
4. Définies par le fait d’avoir répondu positivement à l’une des trois questions suivantes : « Au cours de ces derniers mois ou années, avez-vous connu une limitation d’activité professionnelle d’au moins six mois pour raison de santé », «Avez-vous dû au cours de votre vie, pour des raisons de santé, arrêter pendant plus de six mois consécutifs des activités domestiques comme le ménage, la cuisine, les courses ? » et « êtesvous limité depuis au moins six mois à cause d’un problème de santé dans les activités que les gens font habituellement ? ».



Les difficultés sociales représentent aussi une dimension majeure des problèmes rencontrés par ces consultants : dans le modèle complexe de régression, le fait de se trouver en dehors du marché de l’emploi (inactif) est ainsi fortement lié à la consultation d’un psychiatre (OR = 7). Dans le modèle simple, des limitations graves dans les activités de vie quotidienne multiplient par deux la probabilité de consulter un psychiatre, à détresse psychologique et à déclaration de trouble égales.

Les résultats montrent d’autres caractéristiques notables : même si près des
deux tiers des personnes qui consultent des psychiatres sont des femmes, cette donnée cesse d’être significative une fois prises en compte les autres caractéristiques (dans le modèle complexe). Les consultants des psychiatres ont en majorité atteint l’âge de la maturité : six sur dix ont entre 30 et 59 ans, tandis que les jeunes de moins de vingt ans et les personnes de plus de 60 ans sont peu représentés (respectivement 11 % et 14 %).

Enfin, la catégorie socioprofessionnelle ne semble pas jouer de façon significative. Le remboursement des consultations médicales par la Sécurité sociale joue sans doute un rôle dans ce résultat, à la différence du recours aux psychologues et aux psychanalystes, pour lesquels le consultant supporte seul la dépense.

La santé perçue par les personnes qui consultent un psychiatre est en outre globalement altérée : plus d’une personne sur deux déclare un état de santé général moyen, mauvais ou très mauvais (contre une sur cinq en population générale).


Les psychologues reçoivent les trois quarts des jeunes de moins de 20 ans ayant eu recours aux soins spécialisés en santé mentale

464 000 personnes déclarent avoir consulté un psychologue pendant la période de l’enquête, soit un nombre peu différent de celui des consultants de psychiatres. En moyenne, ces consultations ont donné lieu à lieu à 1,3 séance.

La particularité principale de cette clientèle réside dans la forte présence de jeunes : près de la moitié des consultants a moins de 20 ans, les autres étant surtout des personnes de moins de 50 ans. D’ailleurs, parmi les jeunes de moins de 20 ans qui ont eu recours à l’un ou l’autre des professionnels spécialisés en santé mentale, les trois quarts (74%) ont rencontré un psychologue.

Pour cette raison, les consultants des psychologues sont ici examinés en deux groupes, selon qu’ils ont ou non atteint l’âge de 20 ans
(tableau 2).


Les jeunes consultants des psychologues : le poids de la comorbidité

La répartition des 229 000 jeunes de moins de 20 ans ayant consulté un psychologue est équilibrée entre les sexes. La quasi-totalité est scolarisée.

La consultation a souvent lieu dès le plus jeune âge : un consultant de moins de 20 ans sur cinq fréquente l’école maternelle. Pour l’ensemble des jeunes ayant rencontré un psychologue, le modèle de régression simple ne donne pas de résultat significatif, en dehors d’un trouble psychique déclaré. Ce n’est pas le cas du modèle complexe, qui, à côté de la détresse psychologique, fait apparaître le poids de la comorbidité, qu’il s’agisse de la déclaration d’un trouble de santé non psychique ou d’une hospitalisation dans un service non psychiatrique l’année précédant ou pendant l’enquête : chacun de ces problèmes multiplie par deux pour les jeunes de moins de 20 ans la probabilité d’avoir consulté un psychologue pendant la durée de l’enquête. Par ailleurs, pendant les 12 mois précédant l’enquête, les jeunes ont eu recours à un spécialiste nettement plus fréquemment que les autres jeunes de même âge, mais pas au généraliste ; en l’occurrence, le spécialiste consulté est sans doute le pédiatre.

Ces résultats suggèrent ainsi que les jeunes ont recours au psychologue à l’occasion d’une détresse psychologique mais aussi de troubles médicaux associés. S’ajoutent à ces motifs de
recours les consultations pour difficulté scolaire, par exemple chez un psychologue scolaire.


Les adultes qui consultent des psychologues : une vie personnelle et professionnelle perturbée malgré un bon niveau d’études

Chez les 234000 adultes de vingt ans ou plus ayant consulté un psychologue, la proportion d’adultes de sexe féminin atteint les deux tiers et la surreprésentation féminine reste significative dans le modèle complexe.

En revanche, ces consultants ne se caractérisent pas par des troubles de santé non psychiques associés.
Ces personnes vivent en couple nettement moins souvent que celles de même âge en population générale : le célibat est parmi elles plus fréquent, de même que le divorce. Ce résultat reste significatif dans le modèle complexe.

Même si leur scolarité a pu être perturbée par une interruption de plus de trois mois pour raison de santé, leur niveau scolaire est significativement supérieur à la moyenne nationale : un adulte sur deux a poursuivi ses études au moins jusqu’au baccalauréat (contre un sur trois en population générale). Malgré ce niveau scolaire relativement élevé, la vie professionnelle des consultants apparaît perturbée : la proportion de ceux qui n’exercent pas actuellement de profession pour raison de santé est de un sur dix, et quatre sur dix déclarent avoir connu le chômage au cours de leur vie professionnelle (au lieu de deux à trois sur dix personnes de plus de 20 ans dans la population générale).

La santé de ces consultants est notablement perçue comme dégradée: un sur deux déclare une santé moyenne, mauvaise ou très mauvaise (contre moins de trois sur dix des adultes de plus de 20 ans en population générale). Ces difficultés de santé ont des conséquences dans la vie ordinaire : trois consultants adultes sur dix déclarent être limités dans les activités que les gens font habituellement depuis au moins six mois à cause d’un problème de santé, soit une proportion double de celle rencontrée chez l’ensemble des adultes interrogés dans l’enquête.

Si les personnes de plus de 20 ans qui recourent aux psychologues recourent aussi au médecin généraliste de façon plus répandue que le reste de la population (pour un même nombre moyen de consultations), c’est le recours au spécialiste (psychiatre compris) qui les caractérise le plus, à la fois par sa fréquence et par le nombre de consultations dans l’année (en moyenne 7 actes au lieu de 3).


Les personnes qui consultent des psychanalystes semblent utiliser ce terme différemment des professionnels

Parmi les 241 000 personnes qui déclarent avoir consulté un psychanalyste pendant les deux mois de l’enquête, deux sur trois l’ont rencontré une seule fois. Les consultations rapprochées sont peu nombreuses, comme l’indique le nombre moyen de consultations (1,4).

Ces données invitent à réfléchir à ce que les répondants désignent sous le nom de psychanalyste : en effet, l’attente du consultant ne correspond pas nécessairement au cadre que les professionnels de santé mentale utilisent pour décrire leur activité. En l’occurrence, la cure psychanalytique et la psychothérapie d’inspiration psychanalytique (encadré 3) comportent des rendez-vous réguliers selon une fréquence nettement supérieure à une fois tous les deux mois.

L’enquête ne permet pas de préciser de quelle qualification les professionnels font eux-mêmes usage, mais un doute existe sur le fait de savoir si tous ceux qui ont été désignés comme psychanalystes par leurs consultants se considèrent effectivement ainsi5.

Parmi ceux qui déclarent ainsi avoir rencontré un psychanalyste, ni la limitation dans les activités de vie ni la détresse psychique n’exercent une influence significative dans le modèle simple. Ce n’est plus le cas dans le modèle complexe, qui fait apparaître le poids de la détresse psychologique (OR = 4,9), et de l’absence de vie de couple, du fait du célibat (OR = 2,4) ou du divorce (OR = 3,6). En revanche, la situation par rapport à l’emploi ne présente pas de lien significatif avec ce recours, non plus que les manifestations de comorbidité.
La proportion de femmes parmi les consultants est proche des deux tiers, mais cesse d’être statistiquement significative dans le modèle complexe. La majorité des consultants est en âge d’activité professionnelle : les jeunes de moins de 20 ans ne représentent qu’une faible partie de la clientèle (14 %), et il y a très peu de consultants au-delà de 60 ans (5 % sont âgés de 60 à 69 ans, et aucun davantage). Les personnes qui disent s’adresser à des psychanalystes ont poursuivi des études supérieures plus souvent que la moyenne : plus d’un sur quatre a effectué après le baccalauréat deux années d’études ou davantage (26 % contre 15 % en population générale).

Toutefois, leur vie professionnelle a pu être interrompue plus de six mois pour raison de santé, et une personne sur cinq (contre une sur dix en population générale) se déclare au moment de l’enquête limitée dans les activités que les gens font ordinairement depuis au moins six mois à cause d’un problème de santé.

Il n’est donc pas surprenant de constater que quatre sur dix parmi ces consultants déclarent un état de santé moyen, mauvais ou très mauvais (au lieu de deux sur dix).


Les patients hospitalisés en service de psychiatrie : un cumul de lourdes difficultés et un important recours aux soins non psychiatriques

À partir des déclarations recueillies lors de l’enquête, le nombre de personnes ayant été hospitalisées en psychiatrie peut être estimé à environ 200 000 sur une période de quatorze mois (année précédente et durée de l’enquête, encadré 2). Ce nombre est nettement inférieur à celui des patients hospitalisés dans le seul service public de secteur en 2000 (malgré de possibles doubles comptes, il dépassait 300000 hors services publics non sectorisés, et établissements privés)6.

Toutefois, les personnes interrogées ne sont pas représentatives de l’ensemble des personnes hospitalisées : l’enquête ayant eu lieu auprès de personnes à domicile, les personnes restées hospitalisées pendant les huit semaines de l’enquête n’ont pas été rencontrées, non plus que celles admises en service de psychiatrie et venant d’établissements avec hébergement pour personnes handicapées ou pour personnes âgées. Il n’est en outre pas anodin de déclarer à un enquêteur une hospitalisation en service de psychiatrie ; de tels soins sont restés longtemps marqués d’un tabou indicible.
Même incomplètes, ces informations présentent un intérêt incontestable dans la mesure où il n’existe pas d’autres données nationales décrivant les personnes admises en hospitalisation psychiatrique, en dehors des celles qui sont présentes à l’hôpital dans les enquêtes réalisées « un jour donné»; mais, parmi ces dernières, celles qui sont hospitalisées durablement sont surreprésentées, car leur probabilité d’être présentes le jour de l’enquête est plus grande. Or les caractéristiques de ces patients diffèrent de celles des autres, plus nombreux, dont l’hospitalisation est courte.

Les personnes enquêtées ayant été hospitalisées en psychiatrie se répartissent également entre hommes et femmes.
Les deux tiers sont âgés de 20 à 59 ans.
Dans le modèle simple, la déclaration d’un trouble psychique est de loin le facteur le plus fortement lié à une telle hospitalisation, puisque, comme on peut s’y attendre, les personnes qui ont été hospitalisées dans un service spécialisé sont conduites à évoquer le trouble correspondant. Plus notable est le fait que la détresse psychologique (définie par le recours à au moins une consultation non programmée «parce que cela n’allait pas bien moralement») pèse d’un poids relativement moindre que dans les autres types de recours, alors que ce sont les problèmes de fonctionnement social qui exercent l’influence la plus significative (OR = 3,2), et ce, quel que soit le niveau de diplôme. Ce résultat suggère que les personnes hospitalisées en psychiatrie sont, parmi toutes celles qui sont étudiées ici, celles qui souffrent le plus de difficultés sociales. C’est bien ce que confirme le modèle complexe, en y apportant toutefois des précisions : ces difficultés concernent la non participation au marché de l’emploi (OR = 6,3) et le chômage (OR = 3,4). Elles concernent en outre l’absence de vie de couple liée au célibat (OR = 4,2) ou au divorce (OR = 4,4).

D’autre part, le modèle complexe montre également l’importance des troubles non psychiques associés, puisque la déclaration concomitante d’un trouble non psychique multiplie par trois la probabilité de déclarer une hospitalisation spécialisée en psychiatrie, tandis qu’une hospitalisation dans un service non psychiatrique l’année précédente ou pendant l’enquête la multiplie par deux.

La perception qu’ont de leur état de santé général les personnes hospitalisées en psychiatrie est en outre particulièrement altérée, puisque près de six répondants sur dix la déclarent moyenne, mauvaise ou très mauvaise (contre deux sur dix en population générale).


Un recours différencié aux soins spécialisés en santé mentale

Sur la période relativement courte de l’enquête (huit semaines), les différents types de recours aux soins de santé mentale sont largement différenciés, puisque neuf consultants sur dix ont rencontré un seul des professionnels considérés : psychiatre, psychologue ou psychanalyste. Les personnes ayant déclaré avoir consulté un psychiatre se caractérisent par la plus forte détresse psychique et par les limitations les plus importantes vis-à-vis du travail.

6. COLDEFY M., 2004, « Les secteurs de psychiatrie générale en 2000 », Document de travail, Série Études, n° 42, mars, DREES.


S’agissant des seuls parmi les professionnels envisagés ici dont les soins sont pris en charge par les organismes de sécurité sociale, leurs consultants sont aussi les seuls chez lesquels appartenir à un milieu socio-économique modeste n’entraîne pas de moindre accès aux soins.

Les personnes qui consultent des psychologues sont très différentes, ne serait-ce que parce que ces professionnels reçoivent les trois quarts des jeunes de moins de vingt ans ayant recours aux soins spécialisés. Ces jeunes, qui consultent dès leurs premières années, et dont les parents signalent souvent un trouble médical non psychique, forment près de la moitié de cette clientèle.
De leur côté, les adultes qui déclarent avoir consulté un psychologue ont souvent atteint un bon niveau d’études, mais souffrent souvent d’une vie personnelle et professionnelle perturbée.

Les personnes qui ont déclaré avoir consulté un psychanalyste ont le plus souvent cité un seul entretien pendant les deux mois de l’enquête, ce qui ne correspond pas au rythme habituel de consultation chez ces professionnels. Les réponses semblent, à cet égard, se référer à un vocabulaire différent de celui des professionnels pour désigner certains types de recours aux soins de santé mentale.

Enfin, les personnes qui ont accepté de déclarer à l’enquêteur les soins reçus dans un service hospitalier spécialisé en psychiatrie souffrent d’un cumul de difficultés : elles présentent plus fréquemment des troubles médicaux non psychiques associés, sont plus souvent en dehors du marché de l’emploi ou au chômage et en situation de célibat ou de divorce. •


Les trois dimensions de la santé mentale

Le diagnostic, appréhendé ici à partir de la déclaration d’un trouble psychique par les personnes interrogées lors de l’enquête, peut témoigner d’une prise de conscience préalable aux soins. Inversement, la rencontre d’un professionnel peut conduire la personne à modifier la représentation de ses difficultés et à les désigner désormais comme trouble psychique.

La détresse psychique est un facteur qui facilite la demande d’aide ou de soins : une personne qui a conscience de vivre un trouble psychique sans pour autant en éprouver de souffrance aura une moindre propension à consulter.

Les difficultés sociales : de nombreuses études ont été conduites à propos de leurs relations complexes avec les troubles psychiques. Les difficultés sociales sont un facteur de vulnérabilité aux troubles psychiques, qui en retour produisent souvent divers effets handicapants. La présente étude ne permet pas d’analyser les relations de causalité, mais confirme la fréquence et la sévérité des situations défavorables rencontrées par les personnes qui ont recours aux soins de santé mentale.


Reproduction autorisée sous réserve de la mention des sources — ISSN 1146-9129 — CPPAP 0506 B 05791



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