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De la nécessité d’une régulation des flux en psychologie en France


Rédigé le Jeudi 3 Février 2005 à 00:00 | Lu 13828 commentaire(s)





Résumé 1
Introduction 1
Une position de la profession et de la discipline 3
Les chiffres des inscriptions en psychologie 4
La situation européenne 5
La logique LMD 6
La perspective du diplôme EuroPsy 7
La situation de l’emploi : 9
Les propositions, le calendrier 12
Références 15
Annexes : 16

Résumé

La psychologie occupe dans le système d’enseignement supérieur français une place à part : discipline débouchant sur une profession clairement identifiée et dont l’exercice est protégé, elle est néanmoins placée dans le secteur non sélectif de l’enseignement supérieur. De ce fait, elle occupe une place à part en Europe : son nombre d’étudiants et de diplômés dépassant largement ce qui se fait ailleurs et le statut, la rémunération et le taux de chômage y sont plus mauvais que dans des professions comparables en France ou dans d’autre pays en psychologie.
La profession et la discipline ont pris position pour une sélection accrue et plus précoce. La logique LMD consiste à faire cette sélection au plus tard à l’entrée du M1. La perspective prochaine d’un diplôme européen de psychologue renforce cette idée.

Le présent dossier propose l’organisation d’un concours d’entrée en M1 en deux temps : une phase nationale suivie d’une phase locale.

Introduction

Si on le compare à celui des autres pays industriels, le système français d’enseignement supérieur se caractérise par une spécificité : la co-existence d’un sous-système non sélectif (en gros : les universités) et d’un sous-système sélectif (en gros : les écoles). Le premier est globalement destiné à la formation professionnelle, le second à des formations dont le lien avec une profession est très flou, mis à part la formation des enseignants du second degré dans les disciplines à CAPES et agrégation pour lesquelles la sélection s’effectue après la licence et conduit directement à un emploi. Les diplômes de l’Institut de Psychologie de l’Université de Paris, créés en 1922 inscrivaient plutôt la psychologie dans le premier cadre, mais l’ouverture en 1949 de la licence de psychologie, recrutant rapidement bien plus d’étudiants l’ont placée dans le second. La profession de psychologue s’est ensuite peu à peu construite, et la loi de 1985 a officialisé une situation originale et même unique, et dans l’enseignement supérieur français et en psychologie dans les pays industrialisés : une formation à visée clairement professionnelle, débouchant sur une profession dont l’exercice est protégé par un titre, attirant beaucoup d’étudiants et sans sélection à l’entrée.

L’idée qui sera exposée ici consiste à traiter comme spécifique une situation spécifique et à tirer les conclusions logiques de la loi de 1985 en plaçant une profession clairement identifiée dans le secteur sélectif, avec les autres professions ayant les mêmes caractéristiques.
Durant les périodes de grande expansion qu’il a connues, le sous-système non sélectif a été largement régulé par la demande étudiante, jamais par les besoins professionnels. En conséquence, la très forte demande en psychologie a conduit, avec un retard systématique, les ministères successifs à ouvrir, puis à développer des formations. Les procédures de décision ministérielles, basées sur l’expertise isolée des projets, jugés sur leur cohérence et les capacités d’une équipe locale à encadrer des étudiants, ont conduit à la multiplication des DESS et des DEA (puisque là encore une originalité française permet d'accéder au titre de psychologue par cette voie, à la condition d'avoir réalisé un stage et un mémoire spécifiques professionnalisés) L’absence de réflexion sur la relation entre le nombre de diplômés mis globalement sur le marché du travail et les emplois a conduit à la situation qui sera détaillée ci-dessous.

Les contradictions de la situation globale du système “ enseignement supérieur ” seraient beaucoup plus criantes si le sous-système ouvert et le sous-système fermé fonctionnaient de manière entièrement étanche, mais tel n’est pas le cas. En particulier le cursus de psychologie n’accueille pas majoritairement des étudiants qui deviendront psychologues : outre les échecs et les abandons qui ne lui sont pas spécifiques, il joue aussi le rôle de classe préparatoire à l’entrée dans les écoles du secteur social, qui pour certaines conseillent explicitement ce détour. Une telle fonction ne manque pas d’intérêt, puisque ainsi des travailleurs sociaux, futurs partenaires de psychologues, acquièrent une culture en psychologie avec une qualité et une diversité d’enseignement que ne peuvent offrir le plus souvent les écoles. Par ailleurs, d’autres débouchés sont ainsi offerts aux étudiants déçus par la psychologie.
Cependant, dans l’état actuel des choses, ce système a un inconvénient majeur : trop souvent, continuent dans le système long (les études de psychologie) ceux qui ont échoué à la sélection dans le système court (les écoles).

Il semble donc nécessaire de repenser le système, et la réforme LMD est évidemment une occasion de le faire, et pour employer une expression apparemment consensuelle, une occasion de réguler les flux. Cependant, quand on parle de régulation des flux, il est nécessaire de préciser de quoi on parle et de distinguer trois questions, en donnant au préalable quelques précisions de vocabulaire. La notion de sélection, qui sert d’épouvantail, ne veut rien dire : un examen peut être très sélectif, et un concours ne pas l’être. Nous appellerons ici examen toute situation dans laquelle est exigé dans le principe un niveau préalablement défini, et où ne sont pas admis les candidats qui n’ont pas ce niveau, quel que soit le pourcentage des admis. Nous appellerons concours toute situation dans laquelle le nombre de personnes admises est décidé à l’avance, quel que soit le nombre de candidats et leur niveau. Il en résulte que, de l’admission à l’université à la maîtrise incluse, le cursus de psychologie est régulé par des examens, et que l’entrée en DESS résulte d’un concours. Toujours avec la même définition, l’entrée sur le marché du travail est toujours un concours.

L’état de santé d’une discipline et d’une profession se mesurent entre autres à la relation entre le concours a priori (le nombre de personnes mises sur le marché du travail) et le concours a posteriori (le nombre d’emplois).

Une première question qu’il convient dès lors d’examiner est de savoir s’il faut maintenir la situation actuelle ou placer le concours plus tôt (à l’entrée du master). Cette question n’est évidemment pas posée pour les disciplines où la sélection a lieu à la sortie du bac où à l’issue d’une classe préparatoire d’un an ou de deux ans, ni par celles enseignées dans le secondaire où les concours sont le CAPES et l’agrégation, ni par les disciplines sans débouchés professionnels précis, ni par celles où les étudiants sont peu nombreux, ni par les formations professionnelles où le cursus de psychologie sert de classe préparatoire. Cette question est posée pour la discipline qui ne réunit aucune de ces conditions.

Une seconde question est de savoir s’il faut diminuer le nombre d’admis au concours, en fonction en particulier de ce que l’on peut savoir du marché du travail. Cette question n’est évidemment pas spécifique à la psychologie, et pour y répondre, il est nécessaire de prendre en compte l’expérience des nombreuses formations comportant un concours.

Une troisième question enfin est de savoir si le concours doit rester local et spécifique à chaque filière (option, spécialité) ou s’il doit être national et/ou non spécifique. Sur ce point, les réponses divergent selon les formations.

Ces trois questions sont logiquement indépendantes, mais souvent confondues dans la manière dont elles sont traitées. Nous essaierons de les traiter séparément à chaque fois que ce sera possible et nécessaire.

Après un rappel des positions de la profession et de la discipline sur ces questions, nous examinerons la situation telle qu’elle se présente en France à travers les chiffres à notre disposition. Nous comparerons ces données avec celles dont nous disposons sur la situation européenne ; puis nous examinerons la question dans la logique de la réforme LMD, puis du diplôme européen de psychologie. Enfin, nous examinerons la situation de l’emploi telle que nous pouvons l’appréhender. A partir de cet ensemble de données, nous verrons quelles propositions peuvent être faites, avec quel calendrier. Ce texte sera suivi d’un certain nombre d’annexes présentant des documents utiles à la réflexion sur le sujet.

Une position de la profession et de la discipline

Depuis très longtemps, des universitaires en nombre grandissant ont dénoncé la situation des études de psychologie, et le nombre important d’étudiants qui s’y fourvoient et y perdent du temps. Huteau (2002) date les premières demandes de sélection accrue de la fin des années 40. L’AEPU a voté il y a 30 ans une motion pour un accroissement de la sévérité des examens de fin de première année, à la quasi-unanimité.

Depuis longtemps également, le Syndicat National des Psychologues a pris position en 1997 pour une diminution du nombre annuel de diplômés en psychologie. Le 23 novembre 2002, la CIR (Commission Interorganisationnelle Représentative), qui était alors l’instance regroupant les organisations de psychologues adoptait une position sans ambiguïté sur les nécessités d’un concours à l’entrée du master en psychologie (Cf. annexe 1).

Si les évolutions du concept de “ domaine ” ont ensuite abouti à l’absence de master de psychologie, les points 4, 5 et 6 de ce texte de la CIR gardent une actualité évidente. L’élément nouveau depuis cette prise de position est que la FENEPSY (Fédération nationale des Etudiants en Psychologie) a rejoint la position des universitaires et des professionnels pour la sélection à l’entrée en master (Cf. annexe 2).
Cette unanimité est d’autant plus significative et remarquable que ce secteur professionnel est globalement très marqué par ses divisions endémiques.

En résumé : le message de la discipline, de la profession et d’un grand nombre d’étudiants est donc clair.

Les chiffres des inscriptions en psychologie

Michel Huteau (2002) a fait ressortir que depuis la création de la licence de psychologie, le nombre d’étudiants a toujours dépassé celui des professionnels employés. Les statistiques officielles les plus récentes sont de ce point de vue très claires, puisqu’en 2001/2002, le nombre total d’étudiants en psychologie était de 64095, et l’année suivante de 64530. La répartition de ces étudiants par niveaux est intéressante : 36 881 en DEUG en 2001/2, 36 229 en 2002/3. Ces chiffres, qui représentent plus de la moitié de l’effectif global, indiquent donc une diminution massive que l’on peut attribuer d’une part à un échec important, d’autre part à la fonction de classe préparatoire évoquée ci dessus. Les chiffres ne sont pas fournis par année de DEUG, mais on peut en déduire que de plus de 20 000 à l’entrée, le nombre d'étudiants passe à un peu plus de 10 000 en troisième année. A titre de comparaison, au Royaume Uni, 65 000 étudiants demandent à entrer dans un cursus de psychologie, et 10 000 y sont admis (Lunt 2004).

Une seconde comparaison intéressante porte sur les effectifs de licence et de maîtrise : les seconds (11 025 en 2001/2 ; 11 446 en 2002/3 ; 11055 en 2003/4) sont supérieurs aux premiers (10 632 en 2001/2 ; 10 983 en 2002/3 ; 10346 en 2003/4). Cette ré-augmentation est très certainement liée à l’effet concours : pour avoir des notes suffisantes pour entrer en DESS, un grand nombre d’étudiants mettent deux ans pour préparer leur maîtrise. Une enquête réalisée par la commission pédagogique de l'AEPU en 2000 et portant sur les promotions allant de 1996/97 à 1998/99 avait souligné l'importance numérique de la stratégie de réalisation de la maîtrise en deux ans par les étudiants pour maximiser les chances d'accès en DESS et les abandons fréquents au cours de la maîtrise. Le contraste apparaît d’autant plus grand quand on compare le nombre de reçus en licence et le nombre d’inscrits en maîtrise. En cas d’échec à l’entrée en DESS, la déception est d’autant plus grande que la préparation a été plus longue, et il faut dans l’avenir chercher à limiter cet effet. Par contre, si l’on compare le nombre de reçus en maîtrise au nombre d’admis en DEA + DESS, le contraste est bien plus faible. Ceci veut dire que les taux de sélection affichés par la plupart des DESS sont plus dus aux candidatures multiples des étudiants qu’à un taux national de sélection élevé.

Enfin, le dernier chiffre à prendre en compte, et le plus important, est évidemment le nombre d’inscrits en DESS ou M2 P et en DEA ou M2R. Pour les seuls DESS, voie la plus classique pour l’accès à la profession, ce nombre est de 3198 en 2001/2, de 3318 en 2002/3 et de 2905 en 2003/04. On sait que rares sont les inscrits qui ne sont pas reçus. Concernant les 833 (2001/2) et 942 (2002/3) DEA, Schneider (2002) estime qu’un tiers remplira les conditions pour accéder au titre (sans avoir le DESS : il ne faut pas compter les mêmes deux fois). Schneider arrive ainsi à l’estimation de 3700 psychologues mis par an sur le marché du travail, pour 27 000 psychologues en exercice (Cf. ci-dessous). Il en conclut que les universités françaises forment des professionnels pour un renouvellement théorique tous les 7 ans. Une autre manière d’exprimer les mêmes réalités consiste à considérer que ces 3700 psychologues devraient normalement travailler 40 ans, ce qui veut dire que l’on forme des psychologues pour 148 000 postes, là où il y a environ 26 000 emplois dont beaucoup sont partiels.

Mais le plus inquiétant est sans doute dans l’augmentation de ce nombre de diplômés et titrés annuels. Ainsi, le nombre de DESS était de 2500 en 1994 (Panorama national des formations de troisième cycle en psychologie, publié par l’AEPU). L’augmentation en 8 ans est donc de près de 50 %. La baisse en 2003/04, si elle se confirme, modère un peu cette inquiétude.

En résumé : et les chiffres absolus et la tendance sont extrêmement inquiétants, et il est temps que les nombres de diplômés en psychologie soient tout simplement gérés.

La situation européenne

La Fédération Européenne des Associations de Psychologues (EFPA-FEAP) dresse des tableaux statistiques sur les psychologues en Europe. Les organisations nationales consultées répondent par des chiffres précis ou par des estimations. Si on compare à la situation française actuelle, la plupart des organisations sont bien placées pour faire ces estimations : soit qu’il y ait un Ordre où l’appartenance est obligatoire, soit que l’organisation nationale unique regroupe un pourcentage très élevé des psychologues. La France sera elle aussi dans une bonne situation de ce point de vue quand les listes ADELI fonctionneront parfaitement. L’EFPA est implantée dans 31 pays, bientôt 32 avec la Russie. Elle y recense 287 000 Psychologues et 270 000 étudiants en psychologie. Les Français représenteraient donc 9 % des psychologues et 24 % des étudiants.

A partir des données de l’EFPA, nous avons fait un certain nombre de calculs sur les pays assez peuplés (les statistiques portant sur le Lichtenstein ne sont pas très significatives), à niveau de vie relativement comparable (les psychologues lithuaniens gagnent moins que les Suisses, mais cette différence ne concerne pas seulement le cas des psychologues) et nous avons donc retenu les pays suivants : Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Finlande, France, Irlande, Italie, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède, Suisse.
Pour ces pays, le ratio nombre d’étudiants / nombre de psychologues va de 0,25 (Norvège) à 2,61 (Autriche). La France est dans les pays où le ratio est le plus élevé (1,82 si on retient le chiffre de 35 000 psychologues, retenu aussi bien par Lecointre (2001) que par Schneider (2002), en comptabilisant les psychologues scolaires et les conseillers d’orientation psychologues, qui ne doivent pas être pris en compte dans une comparaison aux étudiants puisque les formations se font à part, en comptant également les 1 100 enseignants-chercheurs, dont les problèmes de formation et de recrutement sont assez différents. Si on se base sur 26 000 psychologues formés dans les cursus classiques (donc 35 000 en tout), le coefficient devient 2,46 pour la France, le deuxième après l’Autriche).
Pour ces pays, le nombre de psychologues pour 10 000 habitants va de 4,3 (France) à 14 (Belgique).
Le coefficient de corrélation entre le ratio nombre d’étudiants / nombre de psychologues et le ratio nombre de psychologues / nombre d’habitants est de –0.659 : plus il y a d’étudiants par psychologue, moins il y a de psychologues par habitant. Donc l’argument suivant lequel il ne faut pas diminuer le nombre d’étudiants pour pouvoir augmenter le nombre de psychologues est complètement inadéquat : c’est l’effet inverse qui est obtenu. Même si cette corrélation est calculée à partir de chiffres dont certains sont des estimations, ce point mérite une réflexion approfondie quant aux mécanismes causaux sous jacents, la corrélation étant très forte. Elle n’a d’ailleurs rien de très surprenant : pour que des emplois soient créés, il faut que la profession soit désirable ; pour qu’elle soit désirable, il faut qu’elle soit respectable. D’autres indices vont dans le même sens : par exemple, les pays nordiques forment un groupe homogène où le nombre d’étudiants est faible, le nombre de psychologues important, les études très longues et le statut du psychologue dans la société excellent. Le nombre gigantesque d’étudiants qui veulent faire des études de psychologie au Royaume Uni (plus de 65 000 chaque année, trois fois plus qu’en France) est attribué par Lunt (2004) à un bon statut social et à de bons salaires…

En résumé, les comparaisons européennes font apparaître que la France est le pays qui a le plus grand nombre d’étudiants et que ce fait ne la place pas bien pour avoir beaucoup de psychologues.

La logique LMD

La réforme LMD a parfois suscité des inquiétudes en ceci que les psychologues auraient un diplôme de second cycle et non de troisième cycle, et donc on a pu y voir une dévalorisation. Une telle inquiétude est évidemment absurde : un cycle ne correspond pas à un niveau, mais à une forme d’organisation, et le nombre de cycles n’est pas un critère de niveau. Un cycle se caractérise par l’unité de son projet pédagogique. Le cycle licence donne une formation générale, le cycle master une formation professionnelle basée sur la recherche.

Une organisation en deux cycles suppose donc qu’un clivage se fait entre cycles et non à l’intérieur d’un cycle. Un concours “ d’entrée ” entre les semestres M2 et M3 casse complètement l’idée de cycle, et l’unité de la formation professionnelle, et à la recherche conçues de manière conjointe. Du point de vue pédagogique, il semble important d’intégrer les deux années de master beaucoup mieux que ne l’étaient maîtrise et DESS et de préparer dès la première année le projet professionnel des étudiants, tant du point de vue de l’intervention de professionnels dans le cursus que des stages. Outre le fait que ceci autorise une meilleure maturation du projet professionnel, et donc une meilleure efficience des jeunes diplômés sur le marché du travail (le manque d’efficience en début de carrière est une critique récurrente actuellement), cela permet une meilleure synergie entre les futurs “ professionnels ” et les futurs “ chercheurs ”, donc une meilleure connaissance des terrains professionnels par les enseignants-chercheurs à venir.

Par ailleurs, les titulaires de deux semestres de master qui n’entrent pas en 3ème semestre n’ont pas de titre supérieur à la licence, ont perdu au minimum un an (mais souvent 2, Cf. ci-dessus) et sont dans un état de frustration maximale. Si l’on se dit qu’il faut mettre sur pied des licences professionnelles et d’autres débouchés que le master de psychologie pour déplacer la sélection de l’entrée en 5ème à l’entrée en 4ème année, alors il est logique de dire que pour maintenir la sélection à l’entrée de M3, il faut trouver de nouveaux débouchés à M1 – M2 pour ceux qui n’entreront pas en M3. Trois solutions sont alors envisageables :

- une mauvaise solution basée sur le fait que la maîtrise n’est pas un titre : ces bacs +4 sont en fait des bacs +3,
- une très mauvaise solution : la mise en cause du titre de psychologue et la mise sur un marché du travail sursaturé de sous-psychologues,
- une très très mauvaise solution : l’envoi des titulaires d’une maîtrise de psychologie en licence professionnelle.

La conclusion qui s’impose est que dans de la logique LMD, le choix qu’il est nécessaire (et difficile) de justifier n’est pas de placer le concours à l’entrée du master (ce qui semble parfaitement logique), mais de le maintenir un an plus tard (ce qui est tout simplement archaïque).

Par ailleurs, comme l’a bien montré la discussion dans le groupe de travail, la logique du LMD est que les UFR et départements de psychologie interviennent dans d’autres secteurs de formation dans lesquels une formation en psychologie serait très utile et est actuellement soit totalement absente, soit faite par des non psychologues, ou dans le meilleur des cas par des individus isolés, non par des institutions. Un tel investissement, pour souhaitable qu’il paraisse, ne pourra se faire que dans une perspective ou les UFR et départements de psychologie cesseront de crouler sous le nombre des étudiants. A titre de comparaison, pour 45 000 étudiants, il y a 3376 enseignants au Royaume uni (Lunt 2004), contre 1100 pour 65 000 en France. Ce constat apporte un élément de réponse à notre seconde question : si l’on pense qu’il faut former des professionnels de qualité et intervenir dans un autre secteur, il ne faut pas dépasser les capacités de formation des enseignants-chercheurs en poste : il faut soit augmenter substantiellement leur nombre, soit diminuer le nombre d’étudiants qu’ils forment.

En résumé : La logique LMD apporte donc une réponse claire à notre première question : c’est à l’entrée du master qu’il faut placer le concours.

La perspective du diplôme EuroPsy

Le projet de directive européenne sur la Reconnaissance des Qualifications Professionnelles, élaboré par la Commission a été adopté par le Parlement Européen le 11 février 2004. Il a été adopté par le Conseil Européen le 18 mai et doit maintenant être publié pour entrer en vigueur, et devrait l’être dans le courant de l’année 2005. L’article 15 prévoit explicitement que des annexes pourront y être ajoutées par profession, et le projet de diplôme EuroPsy, mis sur pied par le groupe du même nom (programme Leonardo) et soutenu par l’EFPA pourrait constituer une de ces annexes, définissant l’accès à la profession de psychologue. L’EFPA a déjà pris des contacts en ce sens avec la commission européenne et a reçu un accueil favorable. Il est donc permis de penser que le diplôme commencera à entrer en vigueur à partir de 2005. Le groupe Europsy est d’ailleurs en train de mettre sur pied un projet d’application expérimentale dans quatre pays : Espagne, Finlande, Hongrie, Royaume Uni.
Le diplôme EuroPsy (Lunt et al. 2004, Cf. annexe 3) se place dans la logique du master. Il ajoute une sixième année de pratique professionnelle supervisée, mais aussi il prévoit une accréditation des cursus de chaque université et une accréditation pour 7 ans de chaque psychologue. Chacun de ces points pose des problèmes d’application que nous examinerons ici rapidement.

Concernant la supervision, celle-ci doit être effectuée par un psychologue en place, mais il n’y aura pas assez de psychologues en place. Le problème est déjà très aigu pour les stages de maîtrise, DESS et DEA, puisqu’il n’est pas rare que le stagiaire soit plus présent dans l’établissement que le psychologue superviseur qui y est vacataire. Diminuer le nombre d’étudiants en formation et de diplômés est la seule solution pour augmenter les possibilités de réelle formation de terrain. Déplacer le concours vers l’entrée en master est un moyen indispensable de réduire l’ampleur de ce problème, mais ne le résoudra pas complètement.

Concernant l’accréditation des cursus universitaires, celle-ci est prévue sur la base d’un programme de formation de référence, dont le principe est simple : une formation théorique et méthodologique dans tous les secteurs de la psychologie. Cette accréditation serait faite par un comité national composé de 5 membres (article 16 du projet, Cf. annexe 3, mais éventuellement par le comité européen). On peut espérer que ce comité suivra des principes qui ne sont pas très différents de ceux qui sont actuellement mis en place par la DES, mais très rapidement, si le nombre de diplômés en France continue d’être largement supérieur à ce qu’il est ailleurs, des tensions seront inévitablement créées, et le comité d’accréditation européen (et l’EFPA) interviendront pour diminuer le nombre de cursus universitaires accrédités. De même si le moment de la sélection n’est pas le même en France et ailleurs, des biais considérables vont être introduits dans la libre circulation des étudiants : il pourra être astucieux pour un étudiant, quelle que soit sa nationalité, de faire un M1-M2 en France, puis un M3-M4 dans un autre pays, et donc de passer au travers de cette sélection. Ceci n’est pas une vision purement théorique, puisque l’Université Catholique de Louvain offre des formations destinées aux étudiants Français qui n’ont pas réussi à rentrer en DESS (Cf. annexe 5).

S’il est clair qu’une véritable harmonisation européenne impliquerait une sélection à l’entrée à l’université, on sait qu’en France cette question relève du tabou politique et que l’envisager est perdre son temps. A tout le moins, si l’on souhaite que les masters français ressemblent aux autres, c’est à dire à un cycle ayant une unité, il faut lui donner cette unité.

Le fait que l’accréditation soit donnée aux psychologues pour 7 ans va conduire à un développement considérable de la demande de formation continue (article 4). On sait combien actuellement l’évolution de la discipline est rapide dans certains secteurs et on sait aussi à quel point la formation continue n’est pas rentrée dans les mœurs, ou bien est conçue comme devant s’effectuer nécessairement dans un cadre privé, les universités occupant d’ailleurs très peu le terrain (Schneider, Fontaine & Jeoffrion, 2000).
Si l’on souhaite que la formation continue soit le plus possible proche de
la recherche, il faut que les universitaires s’y investissent massivement. Ils ne pourront le faire que si le nombre d’étudiants en formation initiale est plus raisonnable (Cf. chiffres fournis ci-dessus).

En résumé : la mise en place du diplôme Europsy plaide pour un concours à l’entrée en master et pour une diminution du nombre d’admis au concours, c’est à dire pour une harmonisation européenne.

La situation de l’emploi :

Si l’on se réfère aux trois champs professionnels classiquement distingués : clinique-santé, éducation-formation, social-travail, il est clair que la question de l’emploi se pose de manière différente dans ces trois champs.

Le secteur de l’entreprise reste aujourd’hui très largement un terrain à conquérir pour les psychologues. Il est donc sans doute celui où les stages peuvent et dans un certain nombre de cas doivent le plus souvent être effectués en l’absence d’un psychologue sur place, afin de montrer à des entreprises qui n’y songent pas que des psychologues peuvent leur apporter des compétences qu’ils ne soupçonnent pas. En même temps, ce champ est sans doute celui dans lequel le ratio entre le nombre de diplômés à mettre sur le terrain et le nombre d’emplois immédiatement disponible peut être le plus élevé, pour conquérir de nouveaux emplois, mais ceci avec une certaine prudence : dans les années 90, il est en effet apparu que ce secteur était particulièrement sensible à la conjoncture économique et à ses sursauts : en l’absence d’embauche, les cabinets de recrutement licencient. Enfin, dernière caractéristique de ce secteur, c’est celui où l’augmentation du nombre de formations et du nombre de diplômés a été la plus sage (par exemple, Paris 5, premier lieu de formation, est passé en quelques années de 120 à 30 étudiants en psychologie du travail) et du coup, c’est clairement le secteur où les diplômés se placent le mieux, avec des CDI, des temps pleins, et des salaires très honorables.

Le secteur de l’Éducation est celui du grand paradoxe. C’est en effet le champ professionnel dans lequel il y a les plus gros problème entre le principal formateur : le Ministère de l’Éducation Nationale, et le principal employeur : le Ministère de l’Éducation Nationale. Le premier met sur le marché du travail un très grand nombre de psychologues, et dans ce secteur comme dans les autres, il prône la formation par les masters, mais le second se refuse à employer ces psychologues, préférant faire des formations maison avec un diplôme maison et, dans le cas des psychologues scolaires, une sous qualification. Les DESS de psychologie de l’enfant et de l’adolescent, créés et développés depuis une quinzaine d’années avec pour le Ministère de l’Éducation Nationale Jeckill l’objectif d’offrir au Ministère de l’Éducation Nationale Hyde une formation adéquate ont donc dû viser d’autres employeurs, avec un succès inégal, mais globalement nécessairement limité, et en se plaçant en partie en concurrence avec les DESS de psychologie du travail (secteur du jouet par exemple) et surtout de psychologie clinique et psychopathologie (secteur de la santé, secteur associatif, collectivités territoriales). Une telle concurrence n’est pas mauvaise en soi : à travers les différences dans les profils professionnels on trouve des différences dans les orientations théoriques, et cette concurrence est un facteur d’évolution de la discipline elle-même ce qui est toujours préférable à l’immobilisme.

De toute façon, contrairement à ce que semblent penser beaucoup de psychologues, la protection du titre n’empêche nullement la concurrence.

Rien n’oblige un employeur à embaucher un psychologue plutôt qu’un infirmier, un psychomotricien, un juriste ou une voyante. La concurrence augmente donc sans doute les chances pour qu’un psychologue soit employé, mais il est important de ne pas concevoir une relation formation – emploi simple dans un marché du travail complexe.

Enfin, le secteur clinique-santé est celui dans lequel règne le plus grand marasme. C’est en effet le secteur dans lequel a joué le plus l’absence de rationalité globale dans la création de nouvelles formations. Partout où a été créé un cursus de psychologie, un grand nombre d’étudiants a été intéressé par la clinique, il a donc légitimement fallu recruter des enseignants-chercheurs cliniciens, qui ont légitimement souhaité assurer une formation complète, et on a donc “ légitimement ” créé un DESS, sans diminuer de manière conséquente le nombre d’étudiants formés dans les autres DESS. Par cet effet purement mécanique, on a donc, jusque dans les années récentes augmenté le nombre de diplômés, non en fonction du nombre d’emplois mais en fonction du nombre d’étudiants intéressés par ce secteur. Il faut rappeler ici que globalement en psychologie, si le nombre de candidats dépasse largement le nombre de places dans chaque DESS (ce qui renforce chez les responsables l’impression de sélection), il s’agit d’un effet largement artificiel de la multitude des candidatures puisque le nombre de diplômés de maîtrise est très proche de celui des places en DESS (source AEPU, panorama des formations 1994). Comme le montre le tableau xx (repris de Fontaine, Jeoffrion et Schneider, 2000), les évolutions ont depuis varié selon les secteurs et les DESS. Dans certains cas, il y a effectivement une sélection sévère, dans d’autres, le nombre de demandes par places étant nettement inférieur à la moyenne nationale, tout postulant a effectivement une place.

Une objection fréquemment entendue à une telle politique est que les besoins en matière de psychologie et de psychologues sont largement supérieurs aux emplois actuels, et qu’il ne faudrait pas réduire le nombre de diplômés et provoquer ainsi une situation de pénurie. Cette objection est d’autant plus pertinente que l’on a pu voir les méfaits d’un numerus clausus trop restrictif en médecine, aboutissant à une pénurie de médecins. Par ailleurs, si l’évolution du marché du travail en France est très mal connue, en raison du chômage massif, il n’en va pas de même dans le reste de l’Europe où, nombre de diplômés et d’emplois étant mieux accordés, il est plus aisé de voir le taux de croissance de ces emplois, que l’EFPA estime à 4% par an, ce qui est considérable. Une politique de réduction du nombre de diplômés doit donc être très prudente et il est nécessaire de prévoir un dispositif de pilotage tenant compte en particulier des données obtenues par les observatoires que mettent en place les universités et par les responsables de spécialités de masters. Cependant, dans la situation actuelle, les chiffres diplômés / emplois sont tout simplement sans commune mesure. Il n’y a pas, et il n’y aura pas dans les 10 années à venir 150 000 emplois de psychologues en France. Rappelons que pour une population nettement supérieure à la nôtre, l’Allemagne met 1 100 psychologues chaque année sur le marché du travail, et non 3 700 comme en France. Rappelons la corrélation négative évoquée ci-dessus entre le nombre d’étudiants et le nombre d’emplois.

Mais précisément, si l’on envisage un concours d’entrée au master, ou bien si l’on envisage que le concours d’entrée en seconde année de master devienne plus sévère, ou bien encore si l’on combine les deux, il faut se préoccuper des autres sorties professionnelles. Premier point : la licence étant un titre, et la maîtrise n’en étant pas un, le fait de garder le concours à l’entrée de la cinquième année où de l’avancer à l’entrée de la quatrième, s’il change les choses du point de vue du candidat à l’emploi ne change rien ou ne devrait rien changer du point de vue de l’employeur potentiel. Dans les deux cas, il s’agit bien de chercher des sorties à bac+3. Une réponse à ce problème a été évoquée ci-dessus, qui fonctionne déjà actuellement de manière importante : les concours d’entrée dans les écoles du secteur social. Une autre réponse est offerte par les licences professionnelles. Si, comme l’affirme clairement le Directeur des Enseignements Supérieurs, comme l’écrit non moins clairement le groupe Europsy, et comme le défendent aussi clairement la FFPP et l’EFPA, il ne peut être question de créer une licence professionnelle de psychologie, la psychologie peut être une composante parmi d’autres d’une licence professionnelle. Il semble donc indispensable d’inciter fortement les UFR et départements de psychologie à participer à la création de licences professionnelles.
Il faut toutefois bien voir que la marge de manœuvre est étroite. En effet, une licence professionnelle doit par définition former à une profession clairement identifiable, et même si possible clairement identifiée. Or quand une profession existe, il existe aussi des formations à cette profession. Une licence professionnelle doit donc former à une profession identifiée mais qui n’existe pas ou peu. Contrairement aux apparences, il n’y a pas là d’impossibilité logique : il s’agit de repérer des professions en cours d’émergence. Cependant, les licences professionnelles ne peuvent être seules sur ce marché de formation, et elles devront faire face à la concurrence. Par ailleurs, si le système universitaire se caractérise par sa grande souplesse et sa grande capacité d’évolution (avec des moyens assez dérisoires, la fonction de l’université dans la société a radicalement changé dans les 40 dernières années), la formation professionnelle n’a jamais été son point fort. Les psychologues font en partie exception dans ce domaine, mais leurs partenaires potentiels y sont moins préparés. Si l’on veut donc que les licences professionnelles aient elles aussi des débouchés, il faut laisser aux universités le temps de les mettre en place, un temps que ne peut attendre la situation dramatique de la psychologie.

Reste que si la licence est un titre, il convient de rendre la licence de psychologie plus attractive pour les employeurs en fournissant à l’étudiant dès ce niveau un certain nombre d’outils intellectuels qui, pour ne pas être ceux du psychologues, n’en sont pas moins important dans notre société. La formation à l’anglais, à la statistique, à l’informatique, la formation expérimentale et la logique qu’elle implique et l’initiation à la démarche d’observation et à la démarche clinique sont autant d’atouts qu’il convient de valoriser davantage qu’ils ne le sont actuellement.

En résumé, la situation de l’emploi exige :

1. que d’urgence, l’Éducation Nationale soit un marché du travail ouvert aux psychologues
2. que dans chaque secteur le nombre de diplômés se rapproche un peu des débouchés
3. que soient créées des licences professionnelles dans lesquelles les psychologues soient partie prenante.
4. que la licence de psychologie soit plus professionnalisante.

Les propositions, le calendrier

Au terme de l’examen de la situation effectué ci-dessus, une réponse claire apparaît à chacune des deux premières questions posées dans l’introduction : avancer le concours du troisième au premier semestre du master ne présente que des avantages et aucun argument ne permet de justifier, en psychologie, un maintien du concours là où il se trouvait dans le cadre ancien des DESS. Par ailleurs, une réduction du nombre de places au concours apparaît comme une nécessité absolue, dans des proportions qui restent à déterminer. Reste la troisième question : celle des modalités du concours d’entrée en master.

Pour la déterminer, le plus simple semble être de partir de l’existant, en psychologie et ailleurs, mais cet existant est divers. Deux solutions extrêmes peuvent en effet être envisagées, ne serait-ce que pour en examiner les avantages et les inconvénients. La première consiste à reprendre, en l’avançant d’un an, le système de sélection à l’entrée dans les DESS de psychologie, ou plus exactement dans la majorité des DESS de psychologie : une sélection pour chaque formation et sur dossier. La seconde consiste à s’inspirer de ce qui se fait dans les filières à concours d’entrée (filières médicales, écoles d’ingénieur, écoles de commerce, écoles d’éducateurs ou d’assistants sociaux, centres de formation des conseillers d’orientation – psychologues, IUFM… en gros toutes les filières de formation impliquant les partenaires professionnels des psychologues) c’est-à-dire un concours au sens étroit du terme, avec épreuves sur table.

La première formule, qui s’applique à un concours de fin de cursus a fait ses preuves, y compris celle de ses limites. Les étudiants ont l’impression d’un examen de leur CV et de leurs motivations gratifiant, mais ils y dénoncent souvent une subjectivité importante, une opacité des critères remarquable, un traitement parfois différent des étudiants locaux et des autres, ce qui met en difficulté ceux qui sortent d’une université où le cursus choisi n’existe pas. Ces critiques sont toutefois tempérées par le fait que globalement il n’est pas trop difficile de se placer en DESS, mais le système semble plus difficile à tenir dans un contexte où le concours deviendrait plus sévère.

Le seconde formule, appliquée usuellement, mais pas toujours à un concours de début de cursus a les avantages et les inconvénients inverses : partant de critères bien plus objectifs, et plaçant tous les étudiants quelle que soit leur formation d’origine dans les mêmes conditions, elle pose tout simplement la question de savoir si les dits critères sont les bons. L’exemple caricatural de la sélection des futurs médecins sur la base des mathématiques sert volontiers de repoussoir.
Pourtant un concours par épreuves sur table anonymes est déjà pratiqué à l’entrée de certains DESS, apparemment à la satisfaction des candidats : une information dont il faut savoir tenir compte tant les préventions contre ce système sont grandes a priori.

Si l’on souhaite dépasser cette opposition un peu simple, il faut d’abord noter que la question des critères et de la méthode n’est pas indépendante de celle du moment. Faire le concours en fin de cursus permet de tenir compte du cursus, le faire au début conduit nécessairement à des critères plus généraux. Ainsi, les stages de quatrième année tiennent-ils souvent une place importante dans la sélection en DESS (malgré un contrôle de ces stages qui reste très lointain), place qu’ils ne peuvent tenir dans un concours d’entrée en master. Inversement, un concours placé en fin de troisième année permet de tenir compte de ces trois années, donc de la réussite dans la discipline, ce que ne permet pas un concours pré-cursus comme celui de médecine ou des écoles d’ingénieurs qui mesurent souvent la capacité de travail et d’ingurgitation-régurgitation. Il faut donc tenir compte des avantages et des limites du moment où se situerait le concours : entre licence et master.

Le cursus de licence est un cursus de culture générale en psychologie et dans des disciplines connexes. Il est donc possible de tester, de manière très classique le niveau de ces connaissances supposées acquises, de manière nationale sur un programme national publié et connu de tous. La création d’un concours national aurait l’immense avantage de gommer largement les différences considérables actuelles dans les chances de réussite des étudiants selon l’université où ils se trouvent. Alors que (chiffres 2003/4) le ratio entre le nombre d’étudiants en première année et en cinquième année est de 0,03 à Clermont-Ferrand, il est de 1,11 à Paris 7 ; alors qu’il est en moyenne de 0,07 pour les universités de province, il est de 0,19 à Paris (0,59 sans Paris 8 qui est atypique de ce point de vue). Ces différences peuvent évidemment être expliquées d’une part par des raisons historiques -les cursus de psychologie se sont d’abord développés à Paris- et des raisons de prestige. Les étudiants de province se dirigeraient tout naturellement vers les universités parisiennes, et donc les chances de réussite des étudiants de province seraient sous-estimées par les chiffres bruts qui sur-estimeraient les chances des parisiens. L’effet de ces facteurs ne peut être nié, mais il ne doit pas non plus être sur-estimé. Si en effet des transferts importants s’effectuent à l’entrée de la 5ème année, il n’en va pas de même entre 1ère et 2ème année. Or si l’on corrèle le ratio 1ère/2ème année et le ratio 1ère/5ème année, R= 0.72. En d’autres termes, les universités qui ont peu de places en DESS sélectionnent fortement dès la fin de la première année, tandis que celles qui ont beaucoup de places sélectionnent peu. L’existence d’un concours national s’impose donc comme une mesure de justice.

A la sortie de ce concours, et en fonction de son rang de classement, l’étudiant choisirait sa spécialité et son université. On reconnaît ici le système de l’internat en médecine. Il reçoit deux types de critiques. La première est celle de l’étudiant hyper-adapté au bachotage, réussissant brillamment aux examens, mais dont les compétences relationnelles ne sont pas le point fort : très bon en psychologie, mais pas très psychologue. La seconde est que les derniers du classement risquent de se retrouver dans une filière qu’ils n’ont pas choisie et pour laquelle ils ne se sentent pas nécessairement compétents, voire qu’ils ne supportent pas. Il est donc nécessaire de trouver des réponses à ces objections.

Plusieurs réponses simples peuvent être apportées à la première objection :

- L’étudiant souffrant d’une disharmonie entre son intelligence conceptuelle et son intelligence sociale existe. Son cas est souvent monté en épingle, mais n’est sans doute pas aussi fréquent qu’on ne veut bien le dire.
- Il semble difficile de défendre l’idée qu’un bon professionnel de la psychologie n’a pas besoin de capacités intellectuelles ni de connaissances en psychologie.
- Si donc ces connaissances doivent être testées, il ne semble pas indispensable de se contenter d’épreuves de connaissance conduisant à un bachotage effréné, et on peut penser à des épreuves diverses en fonction des différentes spécialités et nécessitant une réflexion (études de cas, protocoles d’expérience…).
- Enfin, peut-être peut-on (et doit-on) introduire une partie orale quelque part.

La réponse à la seconde objection est plus délicate. Une première solution pourrait consister à rendre obligatoire un stage au moins dans le courant de la licence, mais comme on l’a vu, les possibilités d’encadrement de l’Université et du terrain ne sauraient y suffire. On pourrait toutefois envisager non pas des stages au sens strict mais des formes de contact avec les réalités professionnelles obligatoires en licence (par exemple ce que dans certaines écoles on appelle un stage ouvrier). Une seconde possibilité, non exclusive, est d’envisager des ré-orientations dans le courant du master, très limitées et pour les cas d’orientation manifestement erronée. Les problèmes soulevés ici conduisent eux aussi à l’idée d’introduire un oral dans le processus du concours.

Si l’on met ensemble ces réflexions, on pourrait envisager un processus en deux temps : un écrit national et un oral local. L’articulation pourrait se faire de la manière suivante :

1. détermination par le ministère d’un nombre national d’étudiants admis en master. Par exemple, 1 200 pour délivrer 1 000 diplômes.
2. concours national écrit permettant de sélectionner 1 300 étudiants.
3. choix par ces étudiants d’une filière dans une université, avec préférence sur la base du rang.
4. audition de ces étudiants sur la base d’un CV, d’un projet d’études et d’un projet professionnel. Droit pour l’université de refuser un étudiant, ou de lui proposer une autre orientation, mais obligation pour elle de remplir son propre quota dans chaque filière.
5. droit pour l’étudiant de tenter sa chance dans une autre université.

A la fin du processus, 1200 étudiants auraient été choisis par les universités habilitées à organiser un cursus de master. Les 100 autres seraient admis à se représenter à la session suivante, le nombre maximal de candidature étant de deux. Le nombre maximal d’années d’étude en licence pour pouvoir se présenter deux fois serait de 3. Les étudiants suivant la licence en 4 ans ne pourraient se présenter qu’une fois. Les étudiants salariés à temps plein bénéficieraient de 2 années supplémentaires.

Seraient titulaires du master les étudiants réussissant les examens des 4 semestres du cursus master, y compris la validation des stages.
Sur la manière de fixer le nombre de places au concours, et de la faire évoluer de manière assez réactive, une réflexion approfondie doit être menée. Il semble indispensable de mettre sur pied un Observatoire National de l’Insertion Professionnelle en Psychologie. Celui-ci pourrait être composé de représentants de la discipline, de la profession, du ministère de tutelle et des ministères employeurs, et d’organismes spécialisés comme le CEREQ ou l’APEC.
Une organisation de la première session du concours suppose la mise sur pied d’un programme national, de modalités de concours et du nombre d’admissibilités (écrit national) et d’admissions par université et par spécialité (en fonction des habilitations) à la rentrée précédente. Il ne semble pas nécessaire pour cela d’attendre que toutes les universités ayant un cursus de psychologie soient passées au master. Au contraire, le master n’en sera ainsi que mieux différencié du DESS. La mise en place du premier concours pour 2006 suppose donc que ces données soient définies au plus tard en juin 2005. Il y a donc urgence.

Références

Commission pédagogique de l'AEPU. Enquête sur les maîtrises de psychologie, Les Nouvelles de l'AEPU, n°16, pp. 9-13.
Fontaine, A.-M., Jeoffrion, C. & Schneider B. (2000). Panorama des formations de troisième cycle en psychologie, AEPU, 3ème édition.
Huteau, M. (2002) L’évolution de la profession de psychologue en France Pratiques psychologiques, 2, 81-95
Lecointre, J-M. (2001) 2005 / 2015 Les psychologues : où seront-ils ? que feront-ils ? Psychologues et Psychologies, * 20-25
Lunt, I. (2004) Psychology in the U. K. In M. Stevens and D. Wedding (Eds)
Handbook of International Psychology. London. Brunner-Routledge
Lunt, I., Bartram, D., Georgas, J., Jern, S., Job, R., Lécuyer, R., Nieminen, P., Newstead, S., Odland, T., Peiro, J. M., Poortinga, Y. H., Roe, R., & Wilpert, B. (2001). A European framework for psychologists training. Final report of a project funded by the EU Leonardo da Vinci programme. London: Institute of Education
Schneider, B. (2002) Déontologie et formation : des choix pour les étapes à venir. Le Journal du Psychologue, n° 202, pp. 62-64.
Schneider, B., Fontaine, A.-M., Jeoffrion, C. (2000). Les Diplômes d’Université (DU) : Argumentaire critique, Les Nouvelles de l'AEPU, n°16, pp. 17-28.

Annexes :

Le projet de diplôme Européen
La motion de la CIR du 23/11/2002
Article de Benoît Schneider
Article de J. M. Lecointre
Papier de l’université de Louvain


Annexe 5

UNIVERSITE CATHOLIQUE DE LOUVAIN
Faculté des Sciences Psychologiques et de l'Education Place du Cardinal Mercier, 10 1348 Louvain-la-Neuve
Règles de la faculté des Sciences Psychologiques et de l'Éducation relatives à la licence en sciences psychologiques pour les porteurs de la maîtrise en psychologie délivrée par une université française

1. Les porteurs d'une maîtrise en psychologie délivrée par une université française, obtenue avec une moyenne de 13/20 minimum, sont autorisés à s'inscrire en deuxième licence en sciences psychologiques (PSY 22). Le programme est organisé sur deux années académiques et permet d'obtenir le diplôme de licencié en sciences psychologiques (niveau bac+5).
2. Ce programme comprend un minimum de 300 heures de cours et un mémoire. Les cours sont sélectionnés par l'étudiant au sein de l'orientation de son choix en accord avec le secrétaire académique. Le mémoire peut être le développement du travail réalisé dans le cadre de la maîtrise. Cette question devra être abordée de manière individuelle avec le promoteur de mémoire choisi par l'étudiant. Lorsque le mémoire prolonge le travail de maîtrise, il devra Obligatoirement porter un titre différent de celui-ci.
3. En plus de ce programme, les étudiants doivent réaliser un stage de 650 heures Dans un souci de cohérence de la formation, aucune dispense de stage ne sera accordée.
4. Les 300 heures de cours et le séminaire de préparation aux stages seront suivis et présentés lors de la première année du programme. Le stage de 650 heures et le séminaire d'accompagnement des stages seront réalisés lors de la deuxième année du programme. Le mémoire devra être déposé en fin de formation.
5. Le début de l'année académique a lieu le troisième lundi de septembre. Les étudiants doivent s'inscrire avant cette date au Secrétariat des Étudiants aux Halles Universitaires. Des inscriptions tardives pour raisons exceptionnelles sont toutefois admises jusqu'au 15 octobre.

FFPP (Fédération française des psychologues et de psychologie)
Janvier 2005



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