Espace de réflexion et de mutualisation de pensées pour l'échange d'expériences sur l'organisation et le fonctionnement des Collèges de psychologie
Questions posées à E. Garcin. Photo Photolibre.fr
Questions posées à E. Garcin. Photo Photolibre.fr

Administrativement, une circulaire vient éclairer un texte réglementaire comme un décret. 

Mais la « chose psy » semble douée de la capacité de perturber les meilleurs usages, comme l'illustre la dernière en date des circulaires concernant les psychologues hospitaliers. Signée juste avant le départ du gouvernement Fillion, elle relève du genre « feuille de route » plutôt que du genre pédagogique, en proposant sous forme d'expérimentation non systématique, de faire évoluer profondément la façon de gérer les psychologues. Les dispositions abordées qui constituent une avancée non dénuée de risques pourraient, si elles se révélaient fécondes, faire référence pour d'autres domaines d'intervention des psychologues.

Deux nouveautés considérables méritent examen :

 

- La première, et la plus importante eu égard aux conséquences qu'elle est susceptible d'induire est la perspective de mise sur pied d'une « structure de la représentation de la profession » de psychologue au sein des établissements hospitaliers. Ce qui veut dire qu'enfin la notion d'une instance interne dédiée aux psychologues commence à être acceptée par l'administration centrale. Après tout, les premiers regroupements spontanés sous forme de collèges, devenus la règle depuis, ne datent que… de trente ans ! 

L'élaboration du projet de psychologie, la formation et la recherche, les procédures de recrutement et d'évaluation… seraient de la compétence de cette « structure de représentation ». C'est dire que le périmètre d'attribution est assez complet pour être crédible. 

- La seconde nouveauté, celle qui va soulever le plus de questions, est la notion de « responsable hiérarchique désigné ». L'air de rien, cette modeste périphrase soulève de multiples interrogations.  

Le « responsable hiérarchique », ou le « supérieur hiérarchique direct », est à distinguer de « l'autorité hiérarchique » et de « l'autorité fonctionnelle ». En simplifiant, l'autorité hiérarchique exerce le pouvoir de nomination, d'avancement, de mutation, en fait gère la carrière (concours, grade, recrutement) et est du ressort du directeur. « L'autorité fonctionnelle » revient au chef de pôle pour l'organisation du travail. Il peut être assisté par des collaborateurs, éventuellement un psychologue, dont il propose la nomination au chef d'établissement. Mais jusqu'à présent, aucune disposition légale ou réglementaire n'a indiqué qui était le « responsable » ou le « supérieur hiérarchique direct » des psychologues. La coutume, l'usage, ont fait du chef de service et désormais du chef de pôle ce responsable ou supérieur hiérarchique direct. En ne mentionnant pas explicitement ce dernier comme « responsable hiérarchique désigné » et en écartant la hiérarchie infirmière, la circulaire incite les psychologues à trouver parmi eux des collègues susceptibles de jouer ce rôle. Mais de quel rôle s'agit-il exactement, car dès qu'il est question de chef, d'autorité, de hiérarchie…, l'inquiétude l'emporte sur la réflexion.

Avançons pas à pas. La circulaire est silencieuse sur la « notation » en passe de devenir « évaluation des compétences ». On doit comprendre qu'il n'est donc pas dans l'intention de l'administration centrale de modifier les usages en cours qui font du chef de pôle clinique celui qui note, donne une appréciation, évalue les psychologues. Tout indique que la prérogative déléguée au chef de pôle d'être pour les psychologues le notateur en première instance n'est pas remise en cause. 

 

« Qui » va déterminer le temps de la fonction FIR ?

Par contre, la circulaire stipule que le « responsable hiérarchique désigné » doit « dans le cadre d'un entretien » avec le psychologue, définir « le temps consacré » à la fonction FIR. De même, c'est à ce « responsable hiérarchique désigné » que le psychologue doit « rendre compte individuellement chaque année de l'utilisation de ce temps et de son apport pour sa pratique ». 

A priori et sauf intention maligne et masquée, on doit lire que le « responsable hiérarchique désigné » instauré par la circulaire ne dispose que de ces deux seules attributions. Les autres relevant de la règle générale et de l'usage ainsi qu'indiqué plus haut. 

Si l'on accepte cette lecture, et l'on voit mal ce qui pourrait s'y opposer, sauf à faire un procès d'intention au ministère de la Santé, deux hypothèses doivent être envisagées. Le responsable hiérarchique désigné est soit un médecin (chef de pôle ou responsable d'unité fonctionnelle (UF), soit… un psychologue. Avantages et inconvénients de l'une ou l'autre de ces solutions peuvent susciter d'interminables débats. À cela près que de bons connaisseurs du milieu font remarquer, à juste titre, qu'en la circonstance un médecin désigné responsable hiérarchique pour la gestion de la fonction FIR risquerait fort d'être juge et partie. En effet, l'exigence de qualité du travail voudrait que la fonction FIR soit valorisée. Mais la pression du chiffrage de l'activité, dont dépendront de plus en plus les moyens alloués à un pôle ou à une UF, incite à une diminution du temps consacré à la fonction FIR, avec l'idée plus ou moins avouée d'accroître le nombre de prestations comptabilisées. Les situations évoquées ici et là indiquent d'ailleurs que les chefs de pôle tendent d'ores et déjà à privilégier le volume d'activité… 

 

Pour conclure

Jusqu'à présent les commentaires sur cette circulaire ont plutôt manqué de recul. Normal somme toute, car elle ouvre à deux notions nouvelles, elle use de formulations moins catégoriques que les précédentes et elle annonce une expérimentation. Pour s'en faire une idée, il faut s'efforcer d'en extraire l'essentiel. 

Si les psychologues acceptent, par l'entremise de leurs collèges, de proposer un ou plusieurs « responsables hiérarchiques », pour qu'ils soient désignés pour la durée définie d'un mandat, il mettront sur pied une filière « psy » à côté de la filière médicale et à côté de la filière infirmière. 

Si les psychologues acceptent de formaliser davantage le fonctionnement de leurs collèges, ils feront le premier pas vers la création d'une instance « psy » à côté de la Commission Médicale d'établissement (CME) et de la commission de soins infirmiers, de rééducation et médico-technique (CSIRMT). 

 

Faire exister une filière de professionnels de la psychologie dans le système hospitalier et œuvrer à l'instauration d'une instance interne dédiée à ces professionnels sont d'efficaces moyens de renforcer l'ouverture des politiques de santé publique aux nouveaux besoins et aux nouvelles demandes d'intervention psychologique auprès des usagers et des équipes de soins. 

 

Emmanuel Garcin

Publié dans Psychomédia, n° 36.

 

Références :

Circulaire DGOS / RHSS / 2012 / 181 du 30 Avril 2012 relative aux conditions d'exercice des psychologues au sein des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 9 Janvier 1986 portant disposition statutaire relative à la Fonction publique hospitalière. Avec en annexe la dernière version de la fiche "psychologues" du Répertoire des métiers de la FPH.

 

Rédigé par Senja STIRN | Commentaires {0}

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