Dans la fonction publique, l'autorité hiérarchique est détenue par celui ou celle qui a le pouvoir de nomination, d’évaluation, de notation – d'où l'impossibilité de délégation quant à la gestion des carrières, après avis des instances de représentations du personnel (la nomination, la titularisation, les avancements d'échelons et de grades, la notation, les dispositions disciplinaires, la mobilité dans le sens de la mise en disponibilité, du détachement, etc.), à l'exception de la délégation de cette gestion au DRH.
L'autorité fonctionnelle est le pouvoir dont sont investies certaines personnes à raison de la fonction qu’elles remplissent ou qu’elles exercent dans un cadre institutionnel déterminé, permettant le « bon fonctionnement », du pôle par exemple. Elle concerne notamment la gestion des plannings, les formations, l'évaluation, les affectations internes. Le psychologue est pour l'instant sous l'autorité fonctionnelle du chef de pôle quant à la gestion des plannings (comme tout membre du pôle), mais il existe des synonymes hiérarchiques dans cette relation fonctionnelle, comme dans le cadre de l'entretien d'évaluation (l' « avis » sur la notation annuelle, prévu dans la circulaire de 1992), le recrutement des psychologues contractuels, l'affectation interne au pôle.
La délégation vient du latin « délégatio ». C’est une procuration, un mandat pour agir à la place de quelqu’un. C’est un acte juridique.
Traditionnellement, il existe deux formes de délégation : la délégation de pouvoir et la délégation de signature.
La délégation de pouvoir est accordée non pas à une autorité nommément désignée mais à une autorité détentrice d'une fonction. Elle s'attache donc à la fonction et non à la personne, ce qui explique que la délégation reste valable si le délégant ou si le délégataire change.
Dans l'ordre inverse, la délégation de signature de délégant rend la délégation caduque. Pour soulager son supérieur hiérarchique d'une surcharge de travail, le délégataire ne fait qu'exercer pour le compte et au nom du délégant certaines de ses attributions.
Dans l'hypothèse où il s'agit d'une délégation de signature, les questions suivantes doivent normalement être exclues du champ des attributions du pôle :
1. - Les décisions requérant la consultation d'une instance d'établissement (CME, CTE, CAP, etc.).
2. - Les décisions relatives à la politique générale des ressources humaines au niveau des titulaires tout au moins (recrutements, organisation, affectations, etc.).
3. - Les décisions relatives aux marchés publics.
L'autorité, fut-elle hiérarchique, fonctionnelle ou déléguée, a néanmoins des effets en termes de pouvoir (faculté d’agir) et d’autorité au propre sens du terme (faculté de fonder l’action de quelqu'un d’autre). Ainsi, chaque catégorie professionnelle se définit par rapport à la catégorie supérieure (et non l’inverse). Elle se trouve non seulement dans une relation de subordination, mais aussi d’inclusion. Ces catégories ne sont pas leur propre référent : c’est la catégorie supérieure qui joue ce rôle. C’est ainsi, par exemple, que le psychologue peut glisser dans une inclusion dans le médical.
En termes sociologiques, l'ensemble des dispositions relatives à l'autorité instaure et permet une « régulation sociale ». Dans le cas du psychologue et à l'heure actuelle, il s'agit d'une « régulation conjointe » qui est un compromis entre une régulation de contrôle et une régulation autonome.
Le concept sociologique des « zones d'autonomie » désigne des « zones d'incertitude » pour l'organisation, d'où la volonté de les cadrer au plus près possible. Pour l'institution, dans sa relation au psychologue, ces « zones d'incertitude » concernent ce qui relève d'une part de l'autorité hiérarchique du directeur (comme par exemple la gestion de leur formation tout au long de la vie, déléguée à la DRH), et d'autre part de l'autonomie professionnelle (comme par exemple, la gestion de la fonction FIR, la référence au Code de déontologie, parfois en désaccord avec les dispositions légales, comme le secret professionnel, l'évaluation de ses propres pratiques professionnelles ...).
Administrativement, une circulaire vient éclairer un texte réglementaire comme un décret.
Mais la « chose psy » semble douée de la capacité de perturber les meilleurs usages, comme l'illustre la dernière en date des circulaires concernant les psychologues hospitaliers. Signée juste avant le départ du gouvernement Fillion, elle relève du genre « feuille de route » plutôt que du genre pédagogique, en proposant sous forme d'expérimentation non systématique, de faire évoluer profondément la façon de gérer les psychologues. Les dispositions abordées qui constituent une avancée non dénuée de risques pourraient, si elles se révélaient fécondes, faire référence pour d'autres domaines d'intervention des psychologues.
Deux nouveautés considérables méritent examen :
- La première, et la plus importante eu égard aux conséquences qu'elle est susceptible d'induire est la perspective de mise sur pied d'une « structure de la représentation de la profession » de psychologue au sein des établissements hospitaliers. Ce qui veut dire qu'enfin la notion d'une instance interne dédiée aux psychologues commence à être acceptée par l'administration centrale. Après tout, les premiers regroupements spontanés sous forme de collèges, devenus la règle depuis, ne datent que… de trente ans !
L'élaboration du projet de psychologie, la formation et la recherche, les procédures de recrutement et d'évaluation… seraient de la compétence de cette « structure de représentation ». C'est dire que le périmètre d'attribution est assez complet pour être crédible.
- La seconde nouveauté, celle qui va soulever le plus de questions, est la notion de « responsable hiérarchique désigné ». L'air de rien, cette modeste périphrase soulève de multiples interrogations.
Le « responsable hiérarchique », ou le « supérieur hiérarchique direct », est à distinguer de « l'autorité hiérarchique » et de « l'autorité fonctionnelle ». En simplifiant, l'autorité hiérarchique exerce le pouvoir de nomination, d'avancement, de mutation, en fait gère la carrière (concours, grade, recrutement) et est du ressort du directeur. « L'autorité fonctionnelle » revient au chef de pôle pour l'organisation du travail. Il peut être assisté par des collaborateurs, éventuellement un psychologue, dont il propose la nomination au chef d'établissement. Mais jusqu'à présent, aucune disposition légale ou réglementaire n'a indiqué qui était le « responsable » ou le « supérieur hiérarchique direct » des psychologues. La coutume, l'usage, ont fait du chef de service et désormais du chef de pôle ce responsable ou supérieur hiérarchique direct. En ne mentionnant pas explicitement ce dernier comme « responsable hiérarchique désigné » et en écartant la hiérarchie infirmière, la circulaire incite les psychologues à trouver parmi eux des collègues susceptibles de jouer ce rôle. Mais de quel rôle s'agit-il exactement, car dès qu'il est question de chef, d'autorité, de hiérarchie…, l'inquiétude l'emporte sur la réflexion.
Avançons pas à pas. La circulaire est silencieuse sur la « notation » en passe de devenir « évaluation des compétences ». On doit comprendre qu'il n'est donc pas dans l'intention de l'administration centrale de modifier les usages en cours qui font du chef de pôle clinique celui qui note, donne une appréciation, évalue les psychologues. Tout indique que la prérogative déléguée au chef de pôle d'être pour les psychologues le notateur en première instance n'est pas remise en cause.
« Qui » va déterminer le temps de la fonction FIR ?
Par contre, la circulaire stipule que le « responsable hiérarchique désigné » doit « dans le cadre d'un entretien » avec le psychologue, définir « le temps consacré » à la fonction FIR. De même, c'est à ce « responsable hiérarchique désigné » que le psychologue doit « rendre compte individuellement chaque année de l'utilisation de ce temps et de son apport pour sa pratique ».
A priori et sauf intention maligne et masquée, on doit lire que le « responsable hiérarchique désigné » instauré par la circulaire ne dispose que de ces deux seules attributions. Les autres relevant de la règle générale et de l'usage ainsi qu'indiqué plus haut.
Si l'on accepte cette lecture, et l'on voit mal ce qui pourrait s'y opposer, sauf à faire un procès d'intention au ministère de la Santé, deux hypothèses doivent être envisagées. Le responsable hiérarchique désigné est soit un médecin (chef de pôle ou responsable d'unité fonctionnelle (UF), soit… un psychologue. Avantages et inconvénients de l'une ou l'autre de ces solutions peuvent susciter d'interminables débats. À cela près que de bons connaisseurs du milieu font remarquer, à juste titre, qu'en la circonstance un médecin désigné responsable hiérarchique pour la gestion de la fonction FIR risquerait fort d'être juge et partie. En effet, l'exigence de qualité du travail voudrait que la fonction FIR soit valorisée. Mais la pression du chiffrage de l'activité, dont dépendront de plus en plus les moyens alloués à un pôle ou à une UF, incite à une diminution du temps consacré à la fonction FIR, avec l'idée plus ou moins avouée d'accroître le nombre de prestations comptabilisées. Les situations évoquées ici et là indiquent d'ailleurs que les chefs de pôle tendent d'ores et déjà à privilégier le volume d'activité…
Pour conclure
Jusqu'à présent les commentaires sur cette circulaire ont plutôt manqué de recul. Normal somme toute, car elle ouvre à deux notions nouvelles, elle use de formulations moins catégoriques que les précédentes et elle annonce une expérimentation. Pour s'en faire une idée, il faut s'efforcer d'en extraire l'essentiel.
Si les psychologues acceptent, par l'entremise de leurs collèges, de proposer un ou plusieurs « responsables hiérarchiques », pour qu'ils soient désignés pour la durée définie d'un mandat, il mettront sur pied une filière « psy » à côté de la filière médicale et à côté de la filière infirmière.
Si les psychologues acceptent de formaliser davantage le fonctionnement de leurs collèges, ils feront le premier pas vers la création d'une instance « psy » à côté de la Commission Médicale d'établissement (CME) et de la commission de soins infirmiers, de rééducation et médico-technique (CSIRMT).
Faire exister une filière de professionnels de la psychologie dans le système hospitalier et œuvrer à l'instauration d'une instance interne dédiée à ces professionnels sont d'efficaces moyens de renforcer l'ouverture des politiques de santé publique aux nouveaux besoins et aux nouvelles demandes d'intervention psychologique auprès des usagers et des équipes de soins.
Emmanuel Garcin
Publié dans Psychomédia, n° 36.
Références :
Circulaire DGOS / RHSS / 2012 / 181 du 30 Avril 2012 relative aux conditions d'exercice des psychologues au sein des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 9 Janvier 1986 portant disposition statutaire relative à la Fonction publique hospitalière. Avec en annexe la dernière version de la fiche "psychologues" du Répertoire des métiers de la FPH.